Ce n'est qu'hallucination! (PV: Eva)

Depuis quelques semaines, je traquais un vampire solitaire. Ma proie cherchait quelque chose d'assez important, car ses recherches le poussaient à se montrer imprudent. Il ne reculait devant rien pour atteindre son objectif et le temps devait lui faire défaut. Ce qui était en ma faveur, car la créature ne dissimulait même pas ses crimes ni ses passages. Avec mes années d'expérience, je savais que cela était synonyme de problème. Alors, j'avais toujours cette impétueuse envie d'intervenir pour empêcher ma cible d'obtenir le fruit de son désir dans ce genre de situation.

Ainsi, cette nuit-là, je me retrouvai dans l'une de rue animée de L.A. à pister le vampire qui venait de refaire surface. Armé de mes dagues enduites d'eau bénite que je cachais sous mon manteau, je le suivis sans relâche à une bonne distance. Mon gibier vampirique se trouvait de l'autre côté de la rue sous un rythme lent. J'étais convaincu que le monstre m'avait déjà repéré, mais je m'en moquais. J'avais l'intention de l'intercepter ce soir même. Subitement, le mort-vivant s'arrêta, fit demi-tour afin de me faire face. Son visage afficha un rictus malicieux lorsque nos regards se croisèrent réellement. Je n'aimais pas ça du tout. Puis, il disparut de mon champ de vision lorsqu'une voiture passa devant moi. Putain, ce court moment de la perte du contact visuel lui donna l'opportunité de m'échapper. J'avais complètement perdu sa trace. " Mais où est passé ce salopard? " pensai-je en scrutant les alentours. C'était trop tard, je ne le voyais plus.

Je continuai d'avancer dans la même direction, en espérant que je finirais par le retrouver. Je n'attendis pas très longtemps avant qu'il ne se repointe devant moi, puisqu'il était immobile devant l'entrée dans une boîte de nuit très fréquentée. Clairement, il jouait avec moi, car il capta mon attention en affichant toujours ce désagréable sourire avant de pénétrer dans l'établissement. Je fis un profond soupir en me dirigeant vers l'immeuble et j'étais prêt à embarquer dans son petit manège à la con pour en finir.

Je me présentai à mon tour à l'entrée et le videur me regarda de bas en haut en arquant un sourcil sous la surprise. L'expression qui se forma sur mon visage le dissuada de tout commentaire en s'écartant de l'entré. Bon, j'imaginais qu'il n'avait pas l'habitude de voir des gens d'un certain âge se présenter, mais bordel, je n'avais pas le temps pour ces conneries.

Aussitôt à l'intérieur, je jetai un oeil autour de moi. La première chose qui fut évidente, la jeunesse de ces occupants. Les jeunes gens se défoulaient sur la piste de danse sous une musique électronique atroce à tempo. C'était le terrain de chasse parfait pour une saloperie de vampire. J'allais devoir faire attention pour ne pas perdre sa piste à nouveau sous ce flot de jeunes adultes grouillants. Constatai-je dans un profond soupir en le repérant enfin. La monstruosité s'élança vers le bar et s'adressa aussitôt à une jeune femme au comptoir.

Je gardai un oeil sur la scène qui se déroulait devant moi, je ne pouvais pas intervenir avec autant de témoins. Je devrais attendre qu'il sorte avec sa "proie" pour le stopper une bonne fois pour toutes.

De mon côté du comptoir du bar, j'avais une vue imprenable sur ma cible à dent démesurée. Heureusement, la clientèle élevée de ce soir me permettait de me fondre un tant soit peu dans la masse et mon gibier oublia vite ma présence. Le barman s'approcha de moi en ouvrant la bouche, mais mon simple signe de la main silencieux lui fit comprendre que je ne voulais rien. Je ne voulais pas altérer mes sens en pleine chasse. Donc, l'employé retourna vers d'autres clients pour les servir. Ensuite, mon attention se reporta sur le mort-vivant et je remarquai le verre qu'il commanda. En l'attrapant, l'immortel s'approcha de sa "proie", une belle jeune brunette qui était seule à présent. Cette femme inconsciente se fit rapidement harponner par la monstruosité. Hélas, la pauvre âme ignorait le danger que représentait cette rencontre, car elle joua le jeu et trempa même ses lèvres dans le liquide ambré du breuvage offert au passage.

" Bon... le temps lui est compté à partir de maintenant. " Pensai-je dans un soupir en m'approchant d'eux subtilement. Puis, je plongeai sous l'un des pans de mon manteau pour ouvrir le rabat de l'étui qui retenait le manche de mes armes blanches. Je m'assis à la droite du duo et une fêtarde très enivrée nous séparait.

Le regard de la créature qu'il posa sur le cou de la demoiselle était pesant de sens. Il était à la limite de l'obsession. Il avait clairement l'intention de la mordre. Croyant qu'il utiliserait ses pouvoirs pour faciliter la suite à venir, mais le vampire n'en fit rien. Non, il se contenta d'ouvrir la conversation en haussant la voix pour que ses mots portent afin que la brunette l'entende et ainsi l'inciter à rester près de lui.

Vam: Moi, c'est Sébastian. Ah au fait, j'adore la pierre utilisée pour ton pendentif que tu portes. Dis-moi, je suis curieux... Son regard s'intensifia en approfondissant le contact visuel. Puis, il se pencha vers l'avant. Où l'as-tu eu?    

" Et merde, venait-il de l'hypnotiser? " Pensai-je complètement impuissant dans cette situation.

Je n'avais aucune idée d'à quel point le danger rôdait dans cette boîte de nuit où ma chère collègue m'avait entraînée. Il fallait dire que j'étais une fêtarde, j'avais l'habitude de sortir et j'étais persuadée que j'étais capable de me défendre. Bien entendu, je n'étais pas naïve au point de penser que les rues de Los Angeles étaient sécuritaires en tout point, d'ailleurs mes propres parents n'avaient-ils pas été assassinés en pleine nuit chez eux ? Mais en tout cas ce soir, je ne me sentais pas en danger.
Le bellâtre étant venu à ma rencontre, ma collègue s'était éclipsée sur la piste de danse pour d'en trouver un elle aussi. Pour ma part, je sirotais le cocktail offert si galamment par le jeune homme qui venait discuter. Il sembla soudain intéressé par mon collier. Machinalement, je posai une main dessus en souriant d'un air un peu nostalgique. Je n'avais aucune idée qu'il essayait de m'hypnotiser, et lui comme moi ignorions que, du fait que cette pierre ait appartenu à son sire, tout vampire créé par ce dernier ne pouvait m'hypnotiser si je portais cette pierre.

- Oh, c'est un cadeau de mes parents. La pierre, c'est du lapis-lazuli, ça vient d'Egypte. Ça fait très longtemps que mon père l'avait offerte à ma mère, et pour un de mes anniversaires, ils m'en ont fait cadeau.

J'avais eu l'impression que son regard avait changé pendant sa question.

- Est-ce que ça va ? On dirait que tu as mal aux yeux.

Bon je n'avais pas très envie de me la jouer docteur ce soir.

- T'es venu là pour discuter pierreries, ou pour danser ? demandai-je avec un sourire aguicheur.

Moi en tout cas, j'étais là pour décompresser d'une longue et harassante semaine. Le type était plutôt séduisant, en tout cas il émanait quelque chose de lui d'assez hypnotique. Il me plaisait bien, et si je lui plaisais aussi, alors ce serait une affaire qui roule. Je reposai le verre sur le comptoir et pris sa main pour l'entraîner sur la piste de danse. Par miracle, j'aperçus ma collègue qui avait déjà sa bouche collée à celle d'un autre fêtard cela me fit rire avant de me tourner vers Sebastian pour danser avec lui.

Je restai sur mes gardes en tendant l'oreille afin de capter la conversation entre ce monstre à longue dent et sa proie. J'avais horreur de m'immiscer dans la vie privée des inconnus, mais je n'avais pas le choix ce soir si je tenais à arrêter cette bête. Ainsi, j'espérai avoir une vue sur les actions du vampire et si je remarquai que la situation devenait hors de contrôle, je réagirai en conséquence.

Puis, alors que je croyais la femme en danger par le charme de la créature de la nuit, je fus un peu plus stupéfait par sa réponse plus que naturel. Cette question étrange que posa la demoiselle lâcha un froid dans la conversation, car le vampire ne sut quoi répondre. " Est-ce que j'hallucine ou elle est immunisée au pouvoir des vampires? " Pensai-je en gardant mon regard vers le vide. Mais la réaction de l'immortel face à l'échec de l'hypnose sur la demoiselle était presque comique si on omettait la raison de sa surprise.

Sebastian: - Hein... quoi? Que dis-tu?

Ensuite, il fut entraîné de force sur la piste de danse par l'intrigante humaine et il la suivit sans rien dire de plus. Je les suivis du regard lorsqu'ils se dirigèrent vers le milieu de la piste. Je vis un mouvement du coin de l'oeil et remarquai le barman revenant vers moi.

Barman: Si tu veux rester là... tu dois consommer mon vieux!

- Je vais te prendre un Coca alors...

L'employé soupira et me servit ma consommation non alcoolisée. Je me retournai vers l'intérieur de la salle et je ne les voyais plus du tout. " Merde... il l'a amené où ce monstre? " J'avais complètement perdu leur trace!

Je lâchai les billets sur le comptoir et me dirigeai vers la salle où les jeunes se donnaient sur la piste de danse. Je baladai le regard dans l'assemblé et je les repérai un peu plus loin. "L'homme" l'embrassa et l'entraîna hors de ces corps en convulsion que représentaient ces danseurs du dimanche.

Je les suivis lorsqu'ils sortirent de l'immeuble par la porte de derrière. Le couple était contre un mur de briquer pour continuer leur petit rapprochement à s'en décaper les amygdales. Puis, les attraits monstrueux de ma cible surgirent et il démarra une morsure. Je sortis une dague et lui plantai dans la gorge en l'obligeant à faire reculer. La douleur causée par l'eau bénite qui enduit le tranchant fut si forte, qu'il cria. Je retirai ma lame de son cou où une petite fumée se dégageait. Par réflexe, je m'interposai entre sa victime et lui-même. Je devais impérativement protéger cette femme. Le sanguinaire tenta de riposter, mais je parvins à esquiver ses coups non sans difficulté, cependant je parvins à le blesser sur son flan lors d'une ouverture. La colère et la douleur combinées de l'être de la nuit décuplèrent ses forces et celui-ci m'asséna un coup qui me déstabilisa. Au dernier moment, je parvins à bloquer et riposter pour briser sa garde. Par la peur, la monstruosité prit la fuite.

Je me tins les côtes sous la douleur et me retournai vers la jeune femme.

- Ah... tout va bien, mademoiselle?  

Le charmant Sebastian sembla surpris par ma réponse, du moins la partie concernant ses yeux. Ce devait etre moi, avec toutes ces lumières et un brin d'alcool, j'avais peut-être mal vu. Je ne voulais pas plomber l'ambiance, alors j'avais entraîné ce bellâtre avec loo surbla piste de danse. Après un ou deux morceaux remixés, mes bras avaient trouvé la direction de son cou pour s'y enlacer. Puis, il pris l' initiative de m'embrasser. Il embrassait bien, c'était plutôt de bon augure. Puis, nois jois détachâmes et sa main se glissa dans la mienne, m'entraînant verd yje porte de sortie de secours. La tête commençait légèrement à me tourner mais je ne voyais pas le danger. Rapidement, nous nous retrouvâmes dehors, loin de lanmusiqie assourdissante. L'air frais raviva un peu ses sensations, puis je fus plaquée au mur. Cela me fit rire avant que je ne l'embrasse de nouveau à pleine bouche. Je sentis l'une des mains de Sebastian parcourir mon corps, remontant lentement. Je ne compris pas pourquoi il arrêta son geste sur mon médaillon. Je pris alors sa main pour m'en ôter. Je préférais qu'il me touche moi plutôt que mon collier.

Soudain, quelque chose d'inédit se produisit. Ce que je pris pour un suçon dans le cou se transforma en... Morsure ? La douleur me fit sursauter et pousser un petit cri sans que je ne puisse le retenir. Je fus comme instantanément réveillée, mais malgré tout, mes gestes ne suivaient pas les ordres de mon cerveau, mes membres étaient engourdis, comme sous anesthésie.

- Qu'est-ce tu m'as fait ?!

J'eus à peine le temps d'apercevoir un regard rouge qui me glaça le sang , qu'un autre homme entra en action. Ils se battaient, et moi j'étais là, bouche bée, incapable de bouger, tétanisée. Pourtant, la violence n'était pas chose étonnante dans les grandes villes des États-Unis d'Amérique. J'avais fait mes études à San Francisco, et javais toujours vécu hormi ces années-là à Los Angeles. Dans le cadre de mon travail, je voyais quotidiennement le résultat de ce genre d'altercations. Néanmoins, assister à une bagarre était une chose bien différente que d'en recoudre les plaies ou déplacer des membres brisés. En plus, j'étais sans doute la cause de cette bagarre car l'homme qui s'en prit à Sebastian l'avait fait après que j'aie crié.

Ce qui m'étonna fut l'âge de mon sauveur. Il était clairement plus âgé que Sebastian. Et pourtant, il tenait le coup face à lui. Les coups portés étaient impressionnants et je restai interdite face à ce déploiement de violence, plus encore quand je remarquai que l'inconnu avait une arme et qu'il avait réussi à blesser Sebastian. Ce dernier finit par s'enfuir. Moi, j'étais submergée par une tonne d'émotions contraires et, tremblant de tous mes membres, je n'avais aucune idée de comment je tenais encore debout.

- Merci monsieur... balbutiai-je.

Voyant ce type qui aurait pu être mon père peiner sous la douleur des coups alors qu'il avait fait tout ça pour m'aider, je secouai la tête.

- C'est à vous qu'il faut demander... Vois êtes blessé ? Il vaudrait mieux aller à l'hôpital...

La tête me tournait affreusement et tout se mélangeait.

- Vous avez vu ses yeux ?...

Ah... je savais parfaitement ce que cette douleur m'élançant aux côtes m'indiquait; la probable formation d'ecchymose importante dans les jours à venir. " Je garderai un oeil à ce sujet. J'espère seulement que je n'ai pas de côtes cassées! " Cette pensée traversa mon esprit dans un soupir douloureux. Ensuite, je rangeai le plus rapidement possible mon arme blanche dans son étui dissimulé sous les pans de mon manteau. Je voulais éviter tant que possible cette situation paraisse improbable à cette jeune femme. Si elle n'était pas au courant que la nuit des créatures se baladaient... je ne voulais pas qu'elle en prenne conscience ce soir. Le secret était primordial!

Je remarquai un fait, la demoiselle fut entièrement désemparée à cet instant. Son désarroi était si important qu'elle avait même du mal à aligner ces deux mots de remerciement. Je pris sur moi et fis un petit signe de la main pour appuyer mes prochaines paroles.

- Ce n'est rien, je ne pouvais pas rester passif devant ce genre d'attaque immorale. Si je peux me permettre, restes vigilante, ou même, sois toujours accompagné quand tu sors.

Puis, elle revint de la situation en réalisant mon état et me demanda si j'avais été blessé par l'attaque.

- Oui, mais ce n'est rien qui ne peut pas être rétabli par le repos combiné au froid.

Par réflexe, je posai délicatement ma main sur son épaule lorsque je remarquai qu'elle était aux prises à des vertiges.

- Mais vas-y doucement, mademoiselle, il est possible que le choc de cette altercation avec ce connard t'ait ébranlé plus que tu ne le crois. Dis-je en tentant jouer la carte d'un simple agresseur.

À son questionnement sur les yeux du vampire, un curieux sentiment alarmant me traversa. " Et merde, elle l'a vu! Putain, est-il trop tard pour lui cacher la réalité sur ce monde de l'ombre? " pensai-je dans un petit soupir. " Tant pis, j'essayerai de continuer à jouer la carte de l'innocent. " Concluai-je mentalement.

- Ses yeux? Je marquai une pause avant de poursuivre. J'ai remarqué qu'il avait un regard fou... comme s'il ne se contrôlait plus. Pourquoi... qu'as-tu vu?

Clairement, j'avais été droguée, ma tête me tournait, ma vision se faisait trouble, mon ouïe aussi était précaire, je n'étais pas dans mon état normal. J'avais cependant été tirée de mon état presque léthargique par la morsure du type avec qui j'avais cru que je passerais une bonne soirée. Et ensuite, tout s'était enchaînée rapidement, un autre homme était venu, dans le but de m'aider, et il s'était battu contre ce Sebastian. D'ailleurs, mon agresseur avait été mis en fuite. J'essayais de mon mieux de reprendre mes esprits, mais j'avais cette image en tête de ce regard rouge de Sebastian quand j'avais crié et qu'il avait lâché mon cou. Quel fou faisait ça ? Pourquoi m'avait-il mordu ? Que cherchait-il ? Je savais que Los Angeles était bourré de gens cinglés mais je n'aurais pas pensé tomber sur l'un d'entre eux ce soir.

Et il y avait mon sauveur, que je voulus remercier. Je titubais et lui semblait souffrir à cause de la bagarre. J'en étais si désolée que j'en oubliais mon propre état. En voulant m'avancer vers lui, je titubais. J'écoutais ses conseils que j'entendais de loin, mes oreilles bourdonnaient.

- Je... j'étais pas seule... Une amie est à l'intérieur...

Mais elle aussi était accompagnée, un mec rencontré sur la piste de danse... J'espérais qu'elle allait bien. Je sentis la main de mon sauveur se poser sur mon épaule, m'aidant à me stabiliser.

- Merci monsieur... je... je crois que j'ai été droguée.

Je me sentais bien stupide d'être tombée dans ce genre de piège. Puis, l'image du regard de mon agresseur me revint en mémoire encore une fois... ses yeux.

- Oui... ses yeux... Ils avaient l'air... d'être rouges...

Je hoquetai, sentant les larmes me monter aux yeux.

- Je dois sûrement divaguer... C'est sûrement ce qu'il a mis dans mon verre... Oh j'ai tellement honte... Vous ne me croiriez sans doute jamais si je vous disais que je suis chirurgien.

Qui pourrait le croire ? Je m'étais conduite de façon extrêmement irresponsable. J'avais honte, vraiment.

- Comment je peux vous remercier ? Puis... comment vous vous appelez ?

En tentant de ne pas me préoccuper de mes possibles blessures, je gardai un oeil sur la femme qui sembla éprouver bien des désagréments. Je remarquai rapidement l'état anormal qui semblait importuner la pauvre victime. Ce n'était pas dû uniquement à l'attaque du vampire... non, ses sens avaient été alternés d'une autre manière. Difficilement, mon interlocutrice essaya de formuler une réponse de cette voix chancelante. Alors, je l'écoutai attentivement. J'appris grâce à sa réaction face à mes conseils qu'elle n'était pas venue seule, mais accompagnée d'une amie. Une pensée vola vers l'autre jeune femme et j'espérai que celle-ci avait une meilleure chance que la demoiselle devant moi.

Ayant peur que ses jambes ne flanchent sous cet état préoccupant, je tentai de l'aider à retrouver son équilibre. Elle me remercia en m'informant ce que je redoutai, le vampire avait possiblement glissé quelque chose dans son verre. J'avais horreur de ce genre de stratagème de lâche que les hommes avaient mis au point pour parvenir à leur fin. Je détestais encore plus les trous du cul qui l'utilisaient. Ma famille se sacrifiait pour empêcher l'humanité de sombrer dans un monde de ténèbres depuis longtemps. Parfois, en réalisant la noirceur que pouvait couver le coeur de l'homme, il m'arrivait de penser que nous avons déjà perdu la bataille face aux forces du mal.

- Si c'est vraiment le cas... Souhaites-tu que je te raccompagne jusqu'à un lieu sûr?

Malheureusement, la femme en avait trop vu pour son bien et ses souvenirs de l'altercation lui revenaient à l'esprit et plus particulièrement, les yeux de son agresseur. Le seul point positif à son état était que je pouvais attribuer ce trait hors-norme comme une hallucination. Doucement, la peur dut l'éteindre, car des larmes menacèrent de couler. Je fis un petit sourire qui se voulait rassurant lorsqu'elle conclut que la drogue était responsable de toute cette histoire inhabituelle.

- Oui, probablement. Après une bonne nuit de sommeil, tout rentrera dans l'ordre.

La suite me fit élargir mon sourire dans un petit soupir.

- Tu n'as pas à te sentir honteuse, je crois que ça peut arriver à n'importe qui. Le tout est de ne jamais baisser ta garde avec les étrangers. Je crois que ta reconnaissance me suffit et mon nom est Marcus. Et toi mademoiselle?

Je regardai de l'autre côté de la ruelle et des personnes commencèrent à s'agglutiner à l'entrée.

- Je crois que l'on devrait quitter les lieux. Tu te sens capable de te déplacer?

Je me sentais extrêmement chanceuse d'être tombée sur cet homme, ou plutôt qu'il soit tombé sur moi en proie à l'individu qui essayait... qui essayait quoi au juste ? J'essayais de comprendre ce qui venait de se produire, mais tout semblait totalement incohérent, entre les yeux aux iris rouges que j'avais cru voir, et cette morsure dans mon cou... Étais-je tombée sur un fou cannibale ? Il y avait tellement de gens névrosé à Los Angeles... Tout était possible. Mes émotions avaient repris le dessus sur la logique, j'avais vraiment eu peur, j'étais saoule et probablement droguée à mon insu aussi, comme je le laissai entendre à mon sauveur. Est-ce que ma vie avait manqué à peu de chose de s'arrêter ce soir ? C'était tellement difficile à admettre. Je tremblais comme une feuille et l'homme m'aidait à me redresser, ne demandant si je voulais qu'il m'accompagne. À la vérité, j'avais vraiment la frousse.

- Si ça ne vous dérange pas... Oui s'il vous plaît.

J'écoutai attentivement les conseils sage de cet homme qui déclara s'appeler Marcus. Je hochai la tête.

- Oui, vous avez raison, répondis-je, penaude. Moi c'est Eva.

Je m'appuyai sur lui en douceur alors que nous marchions vers le bout de la ruelle où d'autres personnes commençaient à affluer. Je voulais juste rentrer chez moi. Mais malgré tout, je n'en oubliais pas celui qui m'avait fort probablement sauvé la vie ce soir.

- Je peux au moins vous faire un café ? J'habite pas très loin, dix minutes à pieds. Et le café, c'est la seule chose que je sais faire.

C'était dit sur le ton de la plaisanterie, mais c'était vrai. J'étais si nulle en cuisine que tous les restaurants qui offraient la livraison voyaient leurs caisses renflouées grâce à moi. Il fallait dire que mes études m'avaient pris tout mon temps, si bien que le peu de temps libre que j'avais eu, je l'avais passé à sortir pour décompresser. Et à présent que j'exerçais pleinement mon métier de chirurgien, je n'avais guère plus de temps pour apprendre la cuisine. J'étais probablement un cas désespéré en la matière.

À sa réponse positive, je ne fis qu'un signe de tête affirmatif pour démontrer l'appui à mon invitation. Je fus par contre soulagé qu'elle accepte volontiers mon aide, car, dans le cas contraire, je n'aurais probablement pas pu accepter son désir de rester seule. Non, ma conscience ne m'aurait pas laissé tranquille en formulant des questionnements sur l'évolution de son état! J'ignorai ce que le dent longue lui voulait, mais j'avais un terrible pressentiment que ce n'était pas fini. Ce monstre était encore en vie et qui sait ce qu'il était capable!

La jeune demoiselle sembla écouter mes conseils avec sérieux. La seule chose que j'espérais fut qu'elle le mette en pratique pour ses prochaines sorties en boîte de nuit. La ville regorgeait de malades et de fous furieux en tout genre... et pas uniquement des humains pour nous faciliter la tâche! Puis, elle approuva mes pensées et se présenta enfin. Elle se nommait Eva.

- Enchanté Eva.

Je la laissai prendre appui sur mon bras en avançant à son rythme. Les personnes nous regardèrent passer à leurs côtés, incertains, mais ils ne nous arrêtèrent pas. Lentement, le petit regroupement de personnes se dissocia, car ils perdirent complètement leur intérêt sur notre cas.

Sa voix brisa le silence et je la regardai. Je fus un peu surpris par l'invitation qu'elle me lança, mais je lui laissai apparaître un petit sourire en coin en douceur à sa plaisanterie.

- Oui, pourquoi pas... par contre, je ne veux pas m'imposer. Donc, dès que tu souhaites te reposer et que tu arrives à te remettre de la soirée, je file. Je lui fis signe de nous diriger à l'aide d'un signe de la main avant de le formuler à haute voix. Je te suis.

Je suivis donc les directions de la prénommée Eva vers son appartement afin de nous rendre à bon port.

- Ainsi donc, tu es chirurgien... Ça ne doit pas être rose tous les jours?

Ainsi donc, je jouai le gentil monsieur pour détourner l'attention de cette horrible soirée. Je voulais impérativement éviter que ses souvenirs problématiques ne remontent dans son esprit. Elle devait tout oublier! " Ah... c'est dans des instants comme celui-là que mon petit toutou aux canines me manque. "

Mon sauveur s'appelait Marcus, un prénom que, malgré mon état d'ébriété, je voulais retenir. Comment une telle chose avait pu m'arriver ? Comment avais-je pu être aussi bête et naïve ? Je m'en voulais. Mes parents n'auraient pas été fiers de moi sur ce coup-là. Marcus me proposa son aide pour me ramener et bien sûr j'acceptais. J'avais vraiment la trouille et même si les probabilités pour que je sois agressée deux fois dans la même soirée étaient minces, je préférais jouer la sécurité d'autant que je n'étais pas tout-à-fait maîtresse de mes mouvements. Je m'appuyai doucement sur lui et lui indiquai le chemin. Il avait accepté de rester un peu pour que je lui fasse un café.

- Merci. Ça me rassurerait...

Mon coeur battait encore très fort, mélange d'adrénaline et d'alcool qui ne faisait pas bon ménage avec le palpitant.
Alors que nous marchions, je lui expliquais effectivement ma situation professionnelle et que je ne devais pas avoir l'air de quelqu'un de très sérieux. Mais Marcus sembla ne pas relever, sans doute par politesse.

- En effet, surtout ici, à Los Angeles. Je traite beaucoup d'accidents de la route, souvent c'est tragique. Les gens ne font pas attention... C'est pour ça que j'ai pas de voiture. Y a aussi les agressions, blessures par balle ou arme blanche... Ça c'est quand je suis aux urgences. Bon et je fais des appendicites aussi hein... Mais ça c'est dans le service de chirurgie. Avec des rendez-vous et tout.

J'avais l'impression que mes propos partaient dans tous les sens.

- Ça doit n'avoir ni queue ni tête ce que je dis... Je vais arrêter de parler. C'est par là, dis-je en montrant mollement une rue perpendiculaire à celle où nous marchions depuis quelques minutes.

Arrêter de parler... Déjà en temps normal, c'était compliqué, alors bourrée...

- Et vous, vous faites quoi dans la vie ? Pas juste sauver de pauvres idiotes comme moi qui se font agresser par des types bizarres ?

Je la laissai prendre appui sur moi et marchai à son rythme pour faciliter notre avancée sans lui faire perdre l'équilibre. Par réflexe lors de mes patrouilles, je restai sur mes gardes. Je désirai éviter tout autre accrochage avec une créature surnaturelle, car après tout j'avais à ma charge une simple humaine à qui je ne voulais pas révéler l'existence de ce monde caché.

Je suivis donc les directions que la jeune femme ébréchée me désigna pour retrouver son domicile. Je ne m'attendais pas du tout à ce qu'une simple question comme ça lui ouvre la porte pour ce genre de flots de paroles pour me répondre. Même ses propos pouvaient paraître un peu décousus par moment. Je ne pus contenir un petit froncement de sourcil par la surprise en la voyant agir ainsi. Ensuite, je laissai m'échapper un petit sourire sur le coin des lèvres. Visiblement, j'étais tombé sur une petite qui avait de la difficulté à garder l'inhibition en cas d'ébriété. Lorsque l'apeurée me laissa parler suite à ses dires spontanés, je fis un petit sourire et lui lâchai mes pensées à mon tour.

- Hum... je vois. Parcontre, marcher seule dans les ruelles la nuit dans ce genre de cartiers qui, comme tu le dis, est aussi animé d'une mauvaise façon, ce n'est pas la meilleure idée non plus mademoiselle Eva. Dis-je sur un petit ton d'humour habituel qui pouvait être un peu sec. Pour m'assurer qu'elle comprenne l'humour, je laissai traîner mon sourire en prononçant mon commentaire.

Puis, la chirurgienne me désigna une rue pour se rendre chez elle et je suivis la directive sans un mot de plus. La dénommée Eva reprit la parole et je laissai souffler un petit rire entre mes lèvres closes toujours légèrement étirées avant de lui dire.

- Je crois que tu t'es assez flagellée pour la soirée mademoiselle, tu n'as qu'à être plus prudente à l'avenir. Je posai mon regard sur elle un instant avant de poursuivre. Je suis à la retraite, mais sinon, j'étais horloger. Il m'arrive de prendre encore quelques contrats de réparations d'horloges pour parvenir à payer mes comptes.

Arrivé au bout de la rue, j'arrêtai la marche et me retournai vers elle.

- Quel chemin prenons-nous maintenant?

Marcus était si gentil avec moi. Son comportement me rappelait mon père, et cette pensée me conféra une pointe de nostalgie alors que j'avais décidé d'arrêter de parler à tort et à travers, après un petit soliloque au sujet de mon travail adoré. J'avais expliqué que je n'avais pas de voiture et que je préférais aller au boulot à pieds parce que je voyais tant d'accidents de la route que cela m'avait en quelques sortes refroidie. Marcus souligna que le soir, ce n'était pas plus sécuritaire. Il avait raison, mais dans ce cas, quelle était la solution ? Je n'étais clairement pas en mesure de réfléchir à cela.

Nous avancions tant bien que mal quand je lui demandais ce qu'il faisait dans la vie. Il me sermonna gentiment et je hochai la tête quand il déclara que je devrais être plus prudente. Ça, c'était certain, je n'allais pas commettre une nouvelle fois la même erreur, j'avais eu bien trop peur.

- Horloger ? Waow c'est cool ! Je crois que j'ai jamais rencontré d'horloger. Vous étiez passionné depuis petit ?

Je me souvenais qu'en primaire, un gamin de ma classe avait plusieurs montres, deux ou trois à chaque poignet. Peut-être que lui aussi était devenu horloger... Mais à l'ère des montres connectées, cette profession devait sûrement se perdre. Sa voix me réveilla en quelque sorte.

- L'immeuble est juste là.

Nous nous approchâmes de l'entrée et je sortis un petit pass accroché à mon porte-clé qui permit de déverrouiller la porte vitrée. Passant devant les boîtes aux lettres dont certaines étaient abîmées, nous pûmes prendre l'ascenseur.

- Troisième étage.

Le trajet ne fut pas long et quand la cage s'ouvrit, je lui indiquai l'appartement. J'avais déjà la clé en main et pus ouvrir la porte.
Mon appartement n'était pas bien grand, mais bien agencé. On entrait dans un salon et salle à manger qui s'ouvrait sur une cuisine américaine assez épurée. Puis un petit couleur emmenait aux deux petites chambres et salle de bain.

- Installez-vous, je vais faire du café.

Pour je ne savais pour quelle raison, mon instinct me criait que ce longue-dent responsable de ce merdier préparait quelque chose de gros et je ne pouvais m'empêcher de me questionner. Est-ce que la jeune femme était spécifiquement sa cible ce soir ou n'était-ce qu'un simple coup du sort? Bien sûr, ce connard ne pouvait pas en rester là avec cet échec et c'était une évidence! Je devais impérativement garder un oeil sur tout ça. Alors, je me promis d'augmenter le niveau de vigilance pour les prochaines rondes dans les environs à mes hommes affectés à ce secteur et de leur ordonner de m'informer du moindre truc sortant de l'ordinaire. Pour le moment, je ne pouvais pas trop m'étendre sur ce sujet avec la jeune femme qui n'avait aucune idée de ce monde surnaturelle. Donc, je me contentai de veiller à ce que son chemin du retour se fasse sans d'autres problèmes en discutant de choses et d'autres avec elle pour lui faire oublier cette mauvaise rencontre. Je me permis même de la gronder un tout petit peu au passage qu'elle répondit d'un simple hochement de tête.

Le sujet de la conversation passa sur les métiers, dont celui que j'exerçais. Ma réponse sembla la surprendre et peut-être même la faire plonger dans des souvenirs.

- Depuis mon enfance, j'ai toujours travaillé de mes mains. Adolescent, je donnais un coup de pouce à mon père dans son commerce, il était menuisier à son compte. Je fis un petit sourire à quelques souvenirs qui remontaient à mon tour. J'ai toujours apprécié de travailler le bois. Puis, en vieillissant, j'ai commencé à m'intéresser aux systèmes complexes des horloges et petit à petit, j'ai monté ma propre affaire de création d'horloges décoratives. Aujourd'hui, je n'arrive plus réellement à sculpter le bois comme autrefois, mais je fais toujours de la réparation. Ce n'était pas vraiment par faute de manque de force, mais le manque de temps avec tous les monstres qui rodaient en menaçant de détruire l'ordre.

Puis, nous arrivâmes au bon immeuble qu'elle indiqua et nous y entrâmes grâce à l'un des nouveaux systèmes de sécurités. Je la suivis et l'aidai encore à se déplacer. Elle nous fit prendre l'ascenseur en désignant la troisième étage. Je le sélectionnai et les portes automatiques se fermèrent. Aussitôt que la cage nous libéra, nous sortîmes et elle me pointa la bonne porte que la locataire s'empressa d'ouvrir.

Je baladai mon regard dans l'appart. C'était sombre, mais élégant. Ça devait être un endroit assez agréable où vivre. La voix de la jeune médecin me fit me retourner vers elle. Elle s'éloigna de l'entrée et m'invita à prendre place. Je retirai mes chaussures à l'entrée et je m'avançai vers l'une des chaises. Je dissimulai mes armes blanches dans mon manteau avant de le glisser sur le dossier. Je m'y assis et lui souris lorsqu'elle revint vers moi avec les breuvages chauds.

- C'est un bel appartement que tu as. Je pris un pause avant de poursuivre. Je ne resterai pas longtemps, car tu dois avoir envie de te reposer après... tout ça.  Juste le temps que l'on partage ce café ensemble.