Entretien avec un vampire

 

Nous y étions, je m'apprêtais à faire ce que j'aurais probablement reproché à n'importe quel autre sorcier : aller contre les convenances de notre ordre en favorisant une autre espèce de surnaturels. Qui étais-je pour accorder cd genre de faveurs ? Me pensais-je au-dessus des lois ? Pourtant non. Les raisons qui m'avaient poussée à accepter m'étaient propres, et peut-être qu'en mon for intérieur, je me disais que si j'avais eu droit à une seconde chance, alors ce vampire aussi.
Néanmoins, j'avais toujours été et demeurais encore une sorcière prudente. Mon poste ne me permettait pas de ne pas l'être. Après une sommaire discussion sur le sort de protection du siège de mon précieux coven, je lui expliquai ce qui allait suivre. Le fait que Mr Lovell me réponde qu'il acceptait mon sortilège qui l'obligerait à tenir sa promesse me fit sourire. Il n'avait de toute façon pas le choix. Puis, j'avais expliqué au vampire les effers qu'auraient la bague, ce qu'il encourrait s'il l'ôtait en plein jour, et enfin ma dernière requête en guise de "paiement". Sa réponse me plut. J'aimais les gens qui avaient du caractère. Et le Lord en avait.

- Je n'en attendais pas moins de vous, répondis-je avec un sourire franc.

Bien, nous étions d'accord. Malgré le sort d'invisibilité qui dissimulait ma grossesse, Charlie décida de se réveiller. Sa légère agitation m'obligea à me retourner, dos au vampire, quelques secondes. Je devais être concentrée. Une main sur mon ventre pour tâcher de calmer un peu ma fille à naître, je caressai Ruffus de l'autre. Son contact me donnait plus de force et de puissance. Je posai ensuite mon sac sur le banc de pierre pour prendre à l'intérieur l'écrin qui renfermait le bijou surmonté d'un lapis-lazuli. Je le mis dans la poche de ma veste, puis sortis une bougie blanche. Enfin, je me retournai vers le vampire en lui mettant la bougie dans la main.

- Tenez-moi cela je vous prie. Je vais commencer par le sort pour votre promesse. Vous ne sentirez rien. Je vais vous demander de la reformuler oralement. Promettez-moi que si votre compagne se pose des questions quant à votre jeunesse physique ou n'importe quel trait laissant soupçonner votrr nature, vous l'hypnotiserez pour qu'elle pense que tout est normal, et que vous ferez tout pour protéger le secret du surnaturel.

J'attendis que sa formulation me convienne avant de murmurer des paroles en latin. La bougie s'alluma. Je posai ma paume de main devant la flamme en continuant à murmurer ma formule sans quitter des yeux mon interlocuteur. Une douce lumière banche l'enveloppa. La promesse etait scellée à lui à présent. La lumière s'évanouit aussitôt que j'arrêtai de parler. Puis, je sortis l'écrin de ma poche. Je l'ouvris pour lui montrer la chevalière. J'avais pris le soin d'y faire graver ses initiales, histoire que ce soit plis authentique. Je refermai ma main libre autour de la bague, laissant l'écrin dans l'autre main de James. Puis, je repris une nouvelle formule, une sue je n'avais récitée qu'une seule fois : pour la bague de Clayton. J'espérais ne plus avoir à le faire. Cette incantation nécessitait plus de puissance. Ruffus vint se coucher sur mes pieds. La lumière blanche sembla cette fois jaillir de ma main fermée contenant le bijou, tandis que la flamme de la bougie grandissait. Finalement, tout s'éteignit en même temps, lumiere blanche et bougie, au moment où je me tus. C'était fait. Je rouvris la main et tendis son bien au vampire.

- C'est fait.

 


J’exécrais toujours la magie pour ce qu’elle m’avait fait endurer, mais je ne pouvais nier que pour arriver à mes fins, je devais m’y plier. N’allons pas jusqu’à évoquer la soumission, cela serait m’offenser plus que de raison. Eh puis, je le faisais avant pour Eva, bien qu’elle n’ait rien demandé. Pour être sincère, je me lassais de ce temps passé loin d’elle et du fait d’être contraint, par ma nature, à me contenter des nuits. Ce n’était finalement rien, juste quelques heures. Cependant, le temps n’exerçait pas la même influence sur elle. De par mes absences diurnes répétées, j’avais comme l’impression de gâcher son temps et j’en étais peiné, autant que de ne pas pouvoir être avec elle 24 h sur 24.

Je m’étais donc résolu à demander de l’aide. Si de prime abord cet aveu de faiblesse ne m’enchantait guère, je devais bien reconnaître quelques qualités à Lyanna Johnston malgré son engeance. À commencer par sa tolérance et son ouverture d’esprit. Je suis prêt à parier que nombreuses seraient les créatures surnaturelles à trouver aberrant de voir un vampire se lier à une humaine. À moins que les choses aient aussi changé de ce côté-là et que l’ouverture d’esprit soit collective dans le monde surnaturel.

Cependant, il était fort à parier que j’ai parlé trop vite. De toute évidence, en plus du sort qui me contraignait ; par je ne sais quel procédé, à ne pas dévoiler la vérité sur l’existence des surnaturels, la sorcière exigeait quelque chose de moi, un paiement, qui me surprit, je l’avoue. Car j’étais loin de me douter qu’une sorcière de cet acabit se livrait à de telles pratiques. Bien qu’il me soit aisé de répondre à sa demande, je ne voulais pas être à sa disposition. Je me risquais donc à reformuler son exigence. Ce qui ne sembla surprendre la sorcière, qui par chance ne s’en offusquait point.

« — Je ne peux me résoudre à me sentir contraint de la sorte. Et je trouve que finalement l’arrangement que je vous propose est correct ; assez pour arranger chaque partie en vigueur. » Et alors que je m’apprêtais à poser quelques questions d’usage, sur ce qui m’attendait, la demoiselle fut comme pris d’un malaise qui l’obligea à se retourner l’espace d’un instant et à caresser avec un peu plus d’intensité, la boule de poil à ses côtés. Puis, tout s’enchaîna si bien que sans vraiment m’en rendre compte, je me retrouvais avec une bougie dans la main.

« — J’imagine que cela fait partie du tour. Allez-vous faire entendre un chant liturgique ou autre ? Je dois faire quelque chose ? » J’étais perdu, comme peut l’être une personne peu familière du monde ésotérique. Mais puisque les alternatives venaient à manquer, il me fallait faire confiance à cette régente. Bougie en main, je demeurais silencieux, car la jeune femme faisait entendre ce qui me semblait les termes de notre contrat. J’étais attentif à chacun de ses mots, comme si cette attitude allait suffire à amoindrir ses demandes. Mais il n’en était rien, j’étais toujours contraint de devoir hypnotiser Eva si d’infortune elle venait à s’interroger sur ma jeunesse physique ou n’importe quel élément susceptible de me trahir sur ma véritable nature. Bien malgré moi, je me faisais le défenseur d’un secret dont je me fichais pas mal.

« — Oui, je m’y engage. » Cependant, j’étais prêt à épouser cette cause si cela me permettait d’être avec la femme que j’aime. « — Je protégerai le secret du surnaturel. » Je tâchais de me montrer le plus convaincant possible autant pour elle que pour moi. Ce qui me valut quelques locutions latines, la bougie que je tenais s’était allumée sans que ni rien ni personne ne se charge de le faire. La sorcière ne me quittait point du regard tandis qu’une lumière blanche m’enveloppait de toute son intensité. J’étais incapable de comprendre ce qui était en train de se passer, mais je ne souffrais pas, peu à peu je gagnais en légèreté, comme si mon esprit était purifié ce qui me semblait impossible au vu de tout ce que j’avais accompli par le passé. La flamme de la bougie s’éteignit aussitôt, mais je continuais à me sentir différent.

Je me retrouvais donc face à l’écrin que miss Johnston venait de faire sortir de sa poche. La chevalière qu’il contenait était de toute beauté. Et voilà qu’à nouveau la sorcière fit entendre sa maitrise du latin tout en se concentrant sur la chevalière qu’elle venait de sortir de son écrin. Le chat fit son apparition pour se placer bien en évidence avant qu’une lumière blanche n’émane de la main de sa maitresse, alors que la bougie que je tenais irradiait d’intensité. Puis tout s’acheva aussi subitement que cela avait commencé.

La sorcière me tendit la chevalière, m’incitant à la mettre aussitôt. J’observais le bijou, me demandant si tout avait fonctionné. Mais avant toute chose, il me fallait remercier mon interlocutrice. « — Je suis conscient des risques que vous prenez. Je tiens donc à vous remercier. Vous n’imaginez pas à quel point il est important pour moi de passer le plus de temps possible avec elle. Bien, je ne vais point, vous importuner davantage. Nous nous reverrons le mois prochain. » Et c’est ainsi que notre entretien prit fin. Désormais, je portais à mon doigt un nouveau bijou, qui, bien au-delà de l’aspect esthétique, me permettait de « vivre » un semblant de normalité. Dès lors, je n’avais qu’une hâte, voir le soleil se lever à nouveau.