C’était un jour presque comme tant d’autres à ceci près qu’aujourd’hui, il faisait un peu plus chaud que la veille ; ce qui était étrange pour un mois de décembre. L’été ne pouvait parachever son œuvre, puisque voilà des mois que nous avions changé de saison. Et sans surprise, les plages étaient bondées au vu de cette température éhontément agréable pour un mois d’hiver. Les commerces avoisinants étaient quant à eux pris d’assaut. Noël approchant, les mortels s’octroyaient quelques séances shopping pour parfaire leurs achats.
Lunette de soleil sur le bout du nez, j’observais tout ce petit monde en plein jour. Quelle sensation incroyable que celle de sentir la chaleur du soleil sans en craindre ses effets ! Assis sur un banc, j’observais tout d’un œil nouveau. Bien sûr, je portais la bague que la régente de White Chapel m’avait confiée. Le vent frais, vint alors me caresser le visage avant qu’une senteur iodée ne se rappelle à mon bon souvenir. C’était la première fois en plus d’un siècle que je sortais en plein jour. Quelle délivrance, quel plaisir, quelle liberté ! J’en venais à ne point regretter le marché, passé avec la sorcière ; un marché qui me paraissait tellement anecdotique à présent.
J’étais donc resté là une bonne partie de la journée avant d’aller flâner dans la rue et de me laisser porter par l’inspiration du moment. Et évidemment, je n’avais de cesse de penser à celle pour qui j’avais l’impression d’avoir soulevé une montagne ou sacrifié un peu de ma dignité. Mais je n’en avais que faire et même si j’étais à la solde de cette sorcière et de son sort, dorénavant, je pouvais me consacrer totalement à Eva ; à qui j’envoyais un message. « Bien le bonjour belle américaine ! J’espère que ta journée se passe bien ? » Satisfait après relecture, j’entrepris d’envoyer mon SMS en continuant ma route.
Ma déambulation me mena au centre commercial, qu’ici l’on nommait un « Mol. » J’ignorais pourquoi et pour dire vrai, je n’avais pas cherché à le savoir. Je fus surpris par l’escalator. Comment diable pouvait-on monter des marches sans bouger ? Prodigieux ! Et que dire de toutes ces échoppes réunies dans un seul endroit ? C’était fascinant, autant que le contenu de ces boutiques. Bijoux, vêtements, nourriture, mobilier, il y en avait pour tous les goûts. Peut-être y reviendrais-je.
La journée touchait à sa fin et voilà qu’au loin, le soleil tirait sa révérence. Mon quotidien reprenait vie en faisant de moi à nouveau une créature de la nuit. Toujours à l’affut d’un message de ma tendre, je regagnais ma demeure pour me changer et enfiler quelque chose de moins exubérant qu’un costume italien. Je n’étais pas encore à l’aise avec le jean, ni les t-shirts, mais je devais bien leur reconnaître une salvatrice simplicité. Et entre mes mains, se tenait une boite bleue dans laquelle se trouvait ma nouvelle acquisition, une paire de baskets. Je voyais tout le monde en porter autour de moi, ce qui m’incitait à penser qu’avec de telles chaussures je pourrais plus facilement me fondre dans la masse. Je les enfilais donc sans attendre. Quelle étrange sensation ! La chaussure me semblait si légère tout en étant confortable. Le prix n’en demeurait pas moins exorbitant pour une telle réalisation, malgré le fait que le vendeur m’eut assuré que c’était une paire de collection. C’est donc ainsi vêtu et après avoir enfilé une veste noire pour parfaire mon look, que je prenais la route afin de rejoindre l’un des clubs tenus par une vieille connaissance vampirique.
La soirée fut calme et agréable, autant que le groupe de jazz qui avait donné un concert en ces lieux. La plupart des vampires se pressaient de partir avant que le soleil ne se lève. Moi, à l’inverse, j’achevais de boire mon verre tout en réglant la note. À ma montre, il était presque six heures du matin. N’étant plus soumis aux contraintes du plein jour, je pouvais dès lors rejoindre Eva pour lui faire une petite surprise. Mais en amont, il me paraissait important de faire un détour.
Non loin de là se trouvait une boulangerie française qui d’après les dires de certains humains et d’un dénommé « Tripadvisor » était le paradis des viennoiseries. Et puisqu’il était coutume de manger des viennoiseries au petit-déjeuner, je trouvais approprié d’en prendre quelques-unes à Eva surtout après une nuit de garde. Puis, je repris la route à bord de ma fidèle Chevrolet corvette noire pour me rapprocher de l’hôpital et attendre patiemment la sortie de celle que je pouvais appeler avec fierté, ma petite amie.
No attachments!
C'est un paradoxe cruel de l'existence : trouver la force dans la vulnérabilité et, simultanément, le danger dans l'affection.—
En ces périodes de fêtes, je me lamentais en pensant climat Irlandais qui me manquait. Certes, Los Angeles étaient une ville des plus chatoyantes avec les décorations installées dans les rues. Mais la douceur des températures ne reflétait pas l’esprit des fêtes comme je l’avais vécu étant enfant. Les couvertures bien chaudes, le crépitement du feu de bois, l’odeur du thé de ma mère (le thé essentiellement), les manteaux de laines pour nous couvrir du froid glacial de Dublin… J’étais certes devenu américain, mais quelques-unes de mes racines étaient encore profondément ancrées en Europe.
Mon cœur quant à lui avait été volée par la plus merveilleuse des femmes américaines qu’il soit. Penelope voulait que je prenne impérativement soin de moi depuis que mon cœur avait flanché. Mon fils se faisait également du souci, et avec l’arrivée de son bébé, ce n’était pas le moment de l’inquiéter davantage. Je devais faire régulièrement des check-up à l’hôpital où j’avais été hospitalisé pour voir si mon cœur était susceptible de me refaire une attaque.
Je m’étais donc rendu à l’hôpital avec un sac de vêtements plus confortables pour effectuer les différents tests d’efforts. J’allais devoir marcher sur un tapis de marche pour mettre à l’épreuve l’endurance de mon cœur. Le docteur allait s’employer également à tester la résistance face à un effort brutal et soudain. J’allais passer un long moment avec différents examens, des prises de sang, ECG, une bonne matinée s’annonçait
J’avais pris mon rendez-vous très tôt pour pouvoir ensuite travailler le reste de la journée. Sortant de ma voiture, je pressa le pas ne voulant pas être en retard à mon rendez-vous. Tout juste devant l’entrée, je jeta un œil à ma montre pour vérifier l’heure. J’avais un pas assuré, mon esprit distrait, je bouscula bêtement une personne devant. Je me sentais absolument désolé pour elle jusqu’à ce que je relève les yeux sur son visage.
« - Vous ici ? Vous venez finalement vous faire greffer un cœur ? » me moquais-je avec cynisme.
Je remarqua qu’il avait une boîte provenant d’une boulangerie sûrement destinée à quelqu’un qu’il attendait. Je m’étonnais aussi que James puisse se sentir aussi bien devant le levé du jour malgré sa nature.
« - Le soleil est levé, comment pouvez-vous rester dehors… ?! A moins que… » je fis une mine circonspecte « -… on vous ait aidé… ! »
Je n’en croyais pas mes yeux. Quelqu’un avait aidé James Lovell à pouvoir vivre comme il l’entendait en plein jour. Même si ma colère envers lui s’était dissipé depuis que nous nous étions serrés les coudes lors d’une attaque, j’avais encore de l’appréhension à son sujet.
« - Quoiqu’il en soit, je suis désolé James de vous avoir bousculer. Je dois y aller, j'aurai le fin de mot de l'histoire plus tard ! »
Je me dirigeais finalement dans l’enceinte de l’établissement pour mon rendez-vous. Cette histoire n’allait pas s’en arrêter là, je devais savoir qui l’avait aidé à ne plus subir les affres du soleil et surtout pour quelle raison. Je croisa sur le chemin le Docteur Cortez qui je salua au passage d’un simple bonjour courtois. Je regardais une dernière fois ma montre et vis que je serai finalement à l’heure pour mon rendez-vous. .
Encore une garde de nuit éprouvante. J'avais commencé en après-midi avec des opérations programmées que certains collègues n'avaient pas pu faire, et la nuit s'était passée avec plusieurs urgences, des carambolage sur la route notamment. Quand je voyais les dégâts, je n'avais pas du tout envie de conduire. Je n'avais même pas mon permis, par manque de temps puisque mes études avaient été très chronophages, et ensuite par un besoin inexistant de puisque je travaillais non loin de mon lieu d'habitation, et les grandes villes étaient très bien desservies par les transports. J'eus à peine le temps de manger une bouchée de sandwich tant les interventions se succédaient. Je rattrapais le retard de mes confrères et le mien en même temps. Je n'eus même pas le temps de répondre au message de mon cher James. Ah James... Que dire. Depuis qu'il était revenu dans ma vie et que j'avais accepté de l'appeler mon petit ami, il semblait que tout avait changé, que tout était plus beau. J'étais si amoureuse que j'en oubliais ces zones d'ombre qui avaient effrayée voilà quelques mois. J'étais heureuse et amoureuse, choses qui ne m'étaient plus arrivées depuis Shayne. D'ailleurs, j'avais recroisé cette dernier voilà quelques semaines. C'était très étrange. Ma garde était enfin terminée, je mourais de faim. Alors que je me changeais, je pris le temps de répondre à James. Je me doutais que je ne le verrais pas avant ce soir. Nous étions le matin et il semblait avoir une vie plutôt nocturne. Je ne savais toujours pas ce qu'il faisait exactement mais j'avais décidé de lui faire confiance malgré ma curiosité.
Hello bequ britannique. Je suis désolée de te répondre seulement maintenant, c'était la folie. Tu me manques. On se voit ce soir ?
Message envoyé, j'enfilai mes chaussures et mon sac et j'étais prête à partir. En quittant l'hôpital, je croisai Mr Fitzgerald, un charmant patient que j'eus en consultation voilà quelques mois suite à un malaise. J'étais ravie de voir qu'il prenait soin de lui en faisant les contrôles que je lui avais recommandé. Je le saluait à mon tour agecubg rand sourire avant de quitter l'enceinte de l'hôpital. Je m'arrêtai une seconde, inspirant profondément, laissant El soleil caresser mon visage, puis je rouvris les yeux et repris ma route. Et là, la surprise m'assaillit.
- James ?
Bouche bée, je continuai d'avancer vers lui, mais plus j'approchais, plus mon sourire grandissait. Je le serrai dan ses bras avant d'apposer mes lèvres sur les siennes.
- Quel bonheur de te voir. Tu me manquais trop. J'adore les surprises comme ça. Oooh t'as pris des viennoiseries ? Trop bien, je crève de faim, merci ! On rentre se faire le petit dej ?
Je glissai ma main dans la sienne. C'était si rare... Non c'était carrément inédit de marcher avec lui, main dans la main, avec le jour à peine levé.
Je guettais le soleil et son avènement sans me sentir mal à l’idée d’être encore dehors. Il me suffisait d’observer la bague que je portais sur le majeur gauche, pour me rappeler pourquoi je ne nourrissais plus aucune appréhension quant au fait d’être à l’extérieur en plein jour. Je devais bien reconnaître que la morsure mensuelle était une faible compensation comparée à tout ce que je gagnais présentement.
Je me tenais donc fièrement devant l’hôpital, avec mon sac de viennoiseries. L’illusion de la normalité était parfaite, à ceci prêt que je ne pourrais savourer ces délicieuses petites choses. Mais je me consolais avec la perspective que cela fasse plaisir à Eva, autant que ma présence évidemment.
Impatient, j’avançais progressivement vers cette étrange porte vitrée qui semblait s’ouvrir par elle-même lorsque quelqu’un se trouvait à proximité. Cela n’en demeurait pas moins pratique, assez pour que je me laisse distraire ; si bien que je me retrouvasse à rentrer dans le premier venu. Quelle ne fut pas ma surprise en posant mon regard sur celui que je ne pensais être qu’un mortel de plus ! De toute évidence, le régent de Red House semblait tout autant étonné que ma personne. Mais n’en demeurait pas moins toujours cynique à mon égard, ce qui fit paraitre un léger rictus sur mon visage.
« — Je vois que vous n’avez point perdu de votre verve cher régent. Mais c’est de bonne guerre, n’est-ce pas ? » Je préférais ne pas lui rétorquer qu’à en juger par les battements de son propre cœur, il n’était pas apte à faire de l’humour là-dessus. Et puis aussi fou que cela paraisse, je respectais un tant soit peu ce « vieux » sorcier malgré la méfiance qu’il cultivait.
Il posa un regard avisé sur mon sac de viennoiserie avant de se demander ; à juste titre, comment était-il possible que je sois encore dehors alors que le soleil était définitivement sorti de sa léthargie ? « — À moins que ? Vous laissez planer un semblant de mystère pour captiver le spectateur ? » Il n’était pas idiot et j’aurai été bien sot de le sous-estimer de la sorte.
« — Ne soyez pas outré. J’ai présenté de bonnes garanties et je peux aisément affirmer que je ne représente plus aucune menace pour quiconque. Toutefois, j’apprécie vos excuses quant au fait de m’avoir bousculé. Et je vous souhaite bon courage pour les examens médicaux que vous vous apprêtez à passer. »
Notre discussion prit fin presque aussitôt et je vis le sorcier s’éloigner pour disparaître à l’intérieur de l’imposant bâtiment qui nous faisait face. « — Quel sacré numéro ! » laissais-je échapper avant de relever la tête et de voir celle pour qui mon semblant de cœur battait encore.
« — Je crois que c’est ainsi que je me nomme. »
Grand dieu qu’elle était belle, plus encore sous cette lumière divine que je pouvais savourer sans crainte. Mon sourire s’agrandit, j’avais enfin l’impression de respirer, que dis-je, de vivre. Elle vint me serrer dans ses bras, sûrement pour s’assurer que cela n’était point une illusion perfide due au manque de sommeil.
« — C’est un bonheur partagé. » Ses lèvres vinrent presque aussitôt se poser sur les miennes. « — Hum… Ça, c’est vraiment très agréable, autant que de te faire des surprises qui te plaisent. » Elle remarqua le sachet de viennoiseries que je tenais encore entre mes mains.
« — Eh bien si tu crèves de faim, ne trainons pas. » Sa main chaude se glissa habilement dans la mienne tandis que nous nous éloignons pour retrouver ma voiture. « — Votre chauffeur est là, mademoiselle. » Je passais devant pour lui ouvrir la portière avant de contourner le véhicule pour prendre place derrière le volant.
« — Je me suis dit, que pour une fois, j’allais passé un peu plus de temps avec toi et ce même si c’est au chaud dans un lit à rattraper des heures de sommeil perdues. Sauf si tu préfères que je te laisse te reposer seule évidemment. »
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C'est un paradoxe cruel de l'existence : trouver la force dans la vulnérabilité et, simultanément, le danger dans l'affection.—
Quelle joie d'avoir eu la surprise d'un James tout sourire venu m'attendre à la sortie de l'hôpital ! Je n'en revenais pas, c'était magique pour moi. En effet, depuis les quelques mois que nous nous fréquentions, c'était la première fois qu'une telle chose arrivait. D'ordinaire, nous nous voyions le soir. Il semblait toujours si occupé de jour. Je n'avais d'ailleurs aucune idée à quoi. Mais là, je ne voulais pas me poser encore mille et une questions concernant ces petites choses que je trouvais étranges chez James, non, je voulais seulement profiter de mon petit bonheur. Main dans la main, nous regagnâmes son véhicule dont il m'ouvrit la portière, toujours aussi galant.
- Merci, dis-je poliment avant de m'installer.
Le sourire n'avait pas quitté un seul instant mes lèvres. Entre la présence de l'homme qui faisait battre mon cœur, et celle d'un sachet de délicieuses viennoiseries françaises dont l'odeur venait chatouiller mes narines, je n'aurais pu être plus heureuse. Mon beau lord reprit la parole pour me demander si je voulais finalement rester me reposer seule.
- Quoi ? Non, hors de question, pour une fois que tu es dispo, je te garde avec moi. Tu peux rester jusqu'à quand ?
Nous n'avions pas mis longtemps à regagner la rue où se trouvait mon appartement. Ce trajet, je le faisais d'habitude à pied, il n'y avait pas plus de deux kilomètres. La voiture garée, nous rejoignîmes l'entrée de l'immeuble, et bien vite, mon appartement. Je déposai mon sac et les clés sur le petit guéridon dans l'entrée, laissant James refermer derrière lui.
- Je lance le café, tu en prends aussi, ou tu preferes du thé peut-être ? Je ne sais même pas ce que tu prends pour le petit déjeuner.
Ce constat m'attrista quelque peu. Cela voulait-il dire que nous ne passions pas assez de temps ensemble ? J'étais bien évidemment loin de me douter de la vérité.
- Je reviens. Fais comme chez toi.
Je me rendis dans la salle de bain pour retirer mes vêtements civils et enfiler une nuisette. J'avais eu la bonne idée de prendre une douche à l'hôpital, ainsi je ne perdrais pas de temps et pourrais en passer davantage avec mon amoureux. Cela me faisait toujours bizarre de dire ou penser ce mot, d'ailleurs. Je pris soin aussi de retirer le peu de bijoux que je portais, à savoir une montre et le collier offert par mes parents voilà des années. Puis je revins au salon.
- Place au petit déj. Merci encore !
Je revins deposer un baiser sur ses lèvres. En attendant, le café avait coulé et son odeur délicieuse avait envahi la pièce. Je sortis donc ma tasse pour la remplir avant d'aller m'asseoir.
Je ne boudais pas mon plaisir de profiter de cette nouvelle liberté qui m’était offerte. Mais plus encore, c’est de la présence de ma belle Américaine que je pouvais profiter sans que le jour vienne mettre à mal ce beau projet. Et pour se faire, j’avais mis les petits plats dans les grands en venant la chercher à l’hôpital, avec un sachet empli de viennoiseries pour qu’elle puisse se sustenter après une longue nuit de garde.
« — Mais de rien, je t’en prie. » Je venais de passer devant afin de lui ouvrir galamment la portière et lui permettre de prendre place à mes côtés. Une fois derrière le volant, je ne pus que constater à quel point ma petite surprise faisait son petit effet. Je me laissais donc happer par la bonne humeur d’Eva et la délicieuse odeur émanant du sachet en papier qu’elle tenait entre ses mains. Son cœur, quant à lui, battait la chamade ; ce qui me fit sourire et me rassura en un sens. Je continuais, sans avoir besoin d’user d’artifice, à lui plaire. Malgré tout, je ne pouvais déroger à cette politesse élémentaire qui faisait de moi un vrai gentleman. De ce fait, je me sentais obligé de lui demander si elle préférait se reposer seule, car il était pour moi impensable de m’imposer sans son accord.
« — Hors de question ! Rien que ça ? De ce fait très chère milady, je me sens honoré de n’être rien qu’à vous. Pour ce qui est de la durée de ma présence, cela ne dépend que de toi. Je m’adapterai à tes envies. » Je ne voulais surtout pas m’imposer, il fallait que cela vienne d’elle avant tout. Et puisque le temps ne me faisait plus défaut, j’étais prêt à considérer toutes les alternatives.
En quelques minutes à peine, nous regagnâmes l’appartement d’Eva. Une fois encore, je me surprenais à constater à quel point, il était plus aisé de se déplacer à bord d’une voiture sur des routes goudronnées. Et je devais bien admettre que je commençais à y prendre du plaisir autant que le fait d’entrer dans un ascenseur pour regagner tout aussi vite, les étages supérieurs.
N’ayant pas besoin de me faire inviter, j’entrais presque aussitôt, prenant grand soin de refermer la porte derrière moi. L’appartement, toujours plongé dans une relative obscurité, n’avait pas changé depuis ma dernière visite. Et alors que j’observais l’extérieur, via l’une des baies vitrées du salon, ma belle médecin me sortit de ma contemplation et posa les jalons d’une problématique que j’allais devoir éluder malgré tout.
« — Et bien du café, pourquoi pas. » Sans conviction évidemment puisque je demeurais incapable d’ingérer une telle boisson. Je n’allais certainement pas lui demander un verre de whisky vu l’heure. Elle lança donc une étrange machine avant de disparaître dans la salle de bains. Ma solitude temporaire m’incita à cogiter. Je devais trouver une solution pour tout ce qui a trait à la nourriture et aux boissons. Car maintenant que nous étions supposés passer plus de temps ensemble, ne pas me voir boire ou manger risquerait d’éveiller en elle bon nombre d’interrogations. Alors, comment faire pour contourner ce problème ? Il y avait bien une solution qui me rebutait cependant.
Voilà qu’à présent, je poussais un long soupire. J’allais devoir la convaincre de retirer son collier si d’aventure je me risquais à l’hypnotiser. Et même si j’essayais encore vainement de me convaincre d’opter pour une autre solution, l’envie de l’hypnotiser gagnait en intensité. C’était étrange, comme si en cet instant fatidique, je n’avais plus vraiment le contrôle. Je devais le faire, il en allait de la préservation de notre secret à tous.
J’étais troublé, comme si l’espace d’un instant je m’étais vu déposséder de mon raisonnement. Cependant, je n’en demeurais pas moins convaincu qu’il me fallait hypnotiser Eva pour lui faire comprendre qu’il était tout à fait normal que je n’ingère aucune nourriture ni boisson, si ce n’est de l’alcool. Et alors que je tâchais de réunir non sans mal mes pensées pour diminuer ce trouble odieux qui mettait à mal ma réflexion, ma belle humaine fit son apparition. Pourvue d’une nuisette magnifique qui lui allait à ravir, je constatais avec surprise qu’elle ne portait pas son collier.
« — Hey, mais que vois-je ? Une magnifique créature. » J’avais eu le droit à un baiser, qui l’espace d’un court instant, me fit oublier ce que je m’apprêtais à faire. Je l’observais se servir une tasse de café pour ensuite revenir vers moi et me faire face. « — Eva ! » commençais-je « — Mon amour, j’aimerais que tu me regardes un court instant. » Lorsqu’enfin son regard capta le mien et avec amertume, je pus me lancer.
« — Je n’ingère aucune nourriture ni ne bois aucune boisson, si ce n’est de l’alcool fort. En conséquence, jamais tu ne seras surprise de ne pas me voir manger ou boire. Pour toi, cela sera tout à fait normal. » J’attendis quelques secondes avant de relâcher mon emprise hypnotique. « — L’odeur est très agréable. Dis-moi donc ce que tu penses des viennoiseries que je t’ai apportées. Que je sache si oui ou non je dois mal les noter ! C’est ainsi que l’on procède non ? » La légèreté reprenait sa place et je tâchais de ne rien laisser paraître. « — Alors cette garde, comment était-ce ? À moins bien sûr que tu ne préfères pas parler travail. Dans ce cas, je pourrais me défaire de mes habits et regagner ta chambre pendant que tu termines de prendre ton petit-déjeuner. N’est-ce pas là un bon programme ? »
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C'est un paradoxe cruel de l'existence : trouver la force dans la vulnérabilité et, simultanément, le danger dans l'affection.—