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La vie de Billie ( 1992 - 1999 )

Née un beau jour de printemps 1992, l’enfant se vit accorder le prénom de Billie-Rose en l’honneur de ses deux grands-parents paternels ayant rendu l’âme beaucoup trop tôt pour pouvoir avoir la chance de la rencontrer. De ce qu’elle peut se rappeler d’eux, c’était les récits que ses parents pouvaient lui raconter et, bien qu’elle ne comprît pas tout à fait le sens de ceux-ci alors qu’elle n’avait pas plus de 5 ans, elle savait toutefois qu’ils étaient de très bonnes personnes et qu’elle espérait pouvoir leur faire honneur en arborant leur prénom.

La demoiselle, sans s’en rendre compte à l'époque, était tombée sur la famille rêvée, où les rires et l’harmonie venaient réchauffer leur belle maison qui ne tarda pas à accueillir deux autres enfants, Jacob et Spencer. Dès son plus jeune âge, Billie avait découvert une passion pour l’art grâce aux ateliers de bricolage à l’école, si bien que même à la maison, celle-ci pouvait passer des après-midi complètes dans le salon à découper des papiers de couleurs et à y coller toutes sortes de paillettes et de perles pour ensuite les offrir en cadeau à ses petits frères qui n’hésitaient pas à les détruire à cause de leur jeune âge et leur maladresse ; tout enfant aurait pu s’en sentir blessé, mais ses parents lui avaient fait comprendre que ce n’était pas volontaire de leur part et qu’en étant grande soeur, il était de son devoir de se montrer patiente, chose qu’elle s’efforça de faire bien que certains jours étaient plus difficiles que d’autres.

« Viens Billie, on va au parc. » que sa babysitter lui avait dit alors qu’elle perdait patience en essayant de mettre à Spencer son manteau alors que Jacob était déjà en train de retirer le sien. « Peux-tu m’aider s’il te plaît ? » Et Billie l’écouta sans rouspéter et força son petit frère à garder ses vêtements pour ne pas traîner davantage dans le vestibule ; c’est qu’il leur arrivait de jouer à ce petit jeu pendant plusieurs minutes et si sa babysitter n’avait plus de patience au bout de la ligne, Billie elle, finissait par avoir beaucoup trop chaud et finissait par se plaindre.

Cette journée d’automne était fraîche, mais cela n’avait pas empêché l'enfant de se prendre au jeu et de se faire des amis dans le parc dans lequel ils avaient décidé de jouer. Elle s’amusait si bien, qu’elle en avait oublié sa babysitter et ses frères et avait décidé d’aller jouer au ballon un peu plus loin hors de leur vision, tout près de la rue. Faisant des passes courtes, les enfants commencèrent à s’ennuyer au bout d’un moment et décidèrent de se distancer de plus en plus pour rendre les échanges toujours de plus en plus compliqués, mais à un moment, Billie ne sut pas attraper le ballon et celui-ci roula jusqu’à la route. Insouciante, elle se précipita pour le récupérer, ignorant le danger potentiel des voitures qui passaient à proximité et alors qu’elle venait tout juste de prendre l’objet qui s’était finalement arrêté au beau milieu de la route, un conducteur distrait qui regardait une carte routière  ne la vit pas et ne put éviter la collision.

Son errance ( 1999 - 2008 )

Il n’y eut aucune douleur ou du moins, elle n'arrivait pas à se souvenir d’en avoir ressenti. C’était une bonne chose, mais ses pensées étaient uniquement tournées vers ses parents, ses frères et tous ses amis à l’école qu'elle ne reverrait jamais. Oui, ces pensées la traversaient alors qu'elle se voyait étendue sans vie dans la rue. Elle avait vu la panique de sa babysitter, l’ambulance qui l’avait amenée on ne sait où… Mais pourquoi avait-elle pu être consciente de tout ça ? La mort n’était-elle pas qu’un simple trou noir éternel ? Billie n'y connaissait pas grand-chose puisqu'elle n'avait jamais cru y être confrontée si jeune, mais désormais elle avait tant de questions auquel personne ne pouvait lui répondre.

Privée de son corps, Billie se trouva désemparée face à sa nouvelle existence. Pleurant et criant à l'injustice, elle prit la décision de demeurer dans le parc, se demandant où elle pourrait aller d'autre. Après tout, elle n’avait que 7 ans et elle n’avait jamais été au parc seule ; elle n’aurait sans doute jamais su retrouver le chemin de sa maison seule. C’était donc la seule chose à faire et elle espérait pouvoir revoir sa babysitter et ses frères pour les suivre lorsqu’ils auraient fini de jouer, mais malheureusement, ceux-ci ne revinrent jamais. Incapable de comprendre, son esprit demeurait obstiné à les attendre, jour après jour, tandis que les années s'écoulaient sans qu'elle en ait conscience. Des rumeurs avaient fini par se propager dans le quartier, affirmant que le parc était hanté et qu'il devenait dangereux d'y aller le soir. Les enfants avaient donc fini par déserter l’endroit suite à la désapprobation des parents et celui-ci devint rapidement fréquenté par des adolescents en quête de sensations fortes qui espéraient avoir la chance d’entrevoir Billie, mais celle-ci était beaucoup trop effrayée pour leur faire part de sa présence.

Ce fut donc de longues années solitaires qui la poussèrent finalement en 2004 à quitter l’endroit pour s’aventurer dans la ville qui avait énormément changé ; si autrefois, Billie avait craint de ne pas savoir comment rentrer chez elle, cette fois-ci, elle était certaine que cela lui serait impossible, mais cela ne la décourageait plus autant qu’autrefois puisque les années d’errance lui avaient fait comprendre qu’elle aurait tout le temps du monde pour retrouver sa famille. Du moins, c’est ce qui devait être le cas en théorie… Malheureusement, lorsque Billie finit par retrouver sa maison, elle constata que les choses avaient bien changé. L'ambiance qui y régnait n'était plus la même ; les fleurs colorées qui ornaient autrefois le jardin avaient disparu, le bac à sable dans la cour arrière avait été enlevé, et même les voitures stationnées devant n'étaient plus les mêmes. Pourtant, Billie était convaincue de ne pas s'être trompée d'endroit, car elle reconnaissait cet énorme chêne autour duquel elle se rappelait avoir joué tant de fois.

Avaient-ils déménagé ? Cette idée lui traversa l’esprit un bref instant, la terrifiant à la simple idée de ne plus jamais pouvoir les revoir, mais alors qu’elle était prête à accepter cette possibilité, elle aperçut son père sortir de la maison. Il avait vieilli, son regard était beaucoup plus fatigué que dans ses souvenirs, mais elle ne pouvait pas se tromper, c’était bien lui. « Papa ! » s’écria-t-elle alors qu’elle s’avançait en sa direction pour le serrer dans ses bras. Mais alors qu’elle s’apprêtait à le toucher, quelque chose d’étrange se produisit : elle était entrée en lui. Terrifiée par la sensation qu’elle avait pu ressentir, elle le transperça de l’autre côté pour s’évader de son enveloppe charnel, puis le dévisagea. L'expression de stupeur et d'incompréhension sur son visage lui laissa supposer qu'il avait également ressenti quelque chose de similaire. Ne pouvait-elle donc pas toucher les humains ? Cette pensée n’eut pas le temps de germer davantage dans son esprit, puisque ses frères, désormais bien plus âgés qu'elle, sortirent à leur tour en courant, sac sur le dos.

- C’est moi à l’avant !
- Non, ça peut pas être toi, c’était déjà toi la dernière fois !
- On s’en fout, c’est moi le plus vieux !

Et alors que les jumeaux étaient en train de se disputer pour savoir qui aurait la place à l’avant, leur père soupira en ouvrant la porte arrière de sa voiture. « Je ne sais pas comment ça fonctionne chez votre mère, mais quand on est avec moi, on monte à l’arrière. » Et avant même que Billie ne puisse comprendre la situation qui s’était déroulée devant elle, la voiture démarra et disparut au loin. Quoi ? Tout ça ne faisait aucun sens pour la demoiselle qui ne pouvait pas comprendre ce que perdre un enfant en si bas âge pouvait créer comme désastre dans une famille, mais malgré tout, elle savait que sa famille ne serait plus pareille et qu'elle en était la responsable. Que devait-elle faire désormais ? Elle ne savait pas.

La vie de Micha ( 2008 - 2024 )

Errant encore pendant plusieurs années, Billie continuait à aller visiter sa famille de temps à autre, allant jusqu’à suivre ses frères jusqu’à l’école où elle les observait d’un œil bienveillant.  Elle n’arrivait malheureusement pas à comprendre les cours qu’ils avaient, surtout ceux de mathématique qui devenaient toujours de plus en plus compliqués avec ces fractions et ces graphiques étranges. Au bout de quelques mois, Billie s’était contentée de rester dans la cour de récréation puisque de toute façon, ses forces d’autrefois semblaient disparaître petit à petit et qu’il lui était de plus en plus difficile de se déplacer comme bon lui semblait.

Elle avait décidé de s’installer sous un arbre, là où aucun enfant ne venait jouer, mais voilà qu’un jour, une enfant qu’elle n’avait jamais vue vint s’installer à ses côtés pour manger. Étrange, pensa Billie qui n'avait jamais envisagé de s'isoler ainsi quand elle aurait pu être entourée de ses amis… Mais elle comprit, au fil des jours, que l’enfant n’en avait pas. Peut-être était-elle nouvelle et avait du mal à s'intégrer en plein milieu de l'année scolaire, alors que tout le monde se connaissait déjà. C’était triste, peut-être devrait-elle l’aider un peu en forçant le destin ? Mais comment ? Elle se rappela alors de cet étrange accident avec son père quelques années plus tôt. Peut-être pouvait-elle prendre possession de son corps pour l’aider à s'intégrer ? L'idée lui semblait un peu farfelue, mais d'un autre côté, comment expliquer ce qu’elle avait déjà réussi à faire ? Rassemblant son courage, Billie toucha l’épaule de la jeune fille qui frissonna à son contact. En voyant sa réaction, l'esprit fut encouragé et celle-ci se glissa entièrement dans son enveloppe charnelle ce qui lui permit de ressentir de nouveau la chaleur des rayons du soleil.

Malheureusement, la cloche sonna pour signaler la fin de la récréation et, espérant pouvoir aider l’enfant à se faire des amis en cours, Billie ne tenta pas de se séparer de son corps et suivit la vague d’étudiants qui entraient en classe. Elle s’assaya au dernier bureau de libre en se disant que celui-ci devait appartenir au corps qu’elle possédait et, sagement, elle attendit une ouverture pour parler aux autres élèves. « Salut, ça va ? » avait-elle finalement chuchoté au garçon derrière elle qui s’était contenté de la dévisager. « C’est quoi ton nom déjà ? » Ajouta-t-elle alors que celui-ci la dévisagea davantage. D’accord, visiblement, elle n’avait pas choisi de parler à la bonne personne, pensa-t-elle alors que l’enseignante cherchait son attention. « Micha..! Peux-tu répondre à la question ? » Un simple Hmm ? sorti de sa gorge alors qu’elle se retournait finalement pour observer l’adulte qui la fixait. « Tu avais largement le temps de te faire des amis durant la récréation, maintenant il faut écouter en classe. Peux-tu me donner la réponse à l’équation au tableau ? » Par chance, l’esprit  se trouvait dans la classe d’une enfant de son âge et les informations sur le tableau ne lui semblaient pas inconnues. « -4, je crois. » L’enseignante hocha positivement la tête, puis retourna à son cours que Billie ne sut écouter maintenant qu’elle connaissait le prénom de la demoiselle qu’elle possédait.

Micha… C’était un joli nom, pensa-t-elle tout en réfléchissant à la vie qu’elle pouvait mener. Avait-elle des frères ? Des soeurs ? D’où venait-elle ? Était-elle triste d’avoir déménagé au milieu d’une année scolaire ?  Savoir son prénom rendait sa possession étrangement réelle et avant qu’elle ne puisse s’en rendre compte, le dernier cours de la journée était terminé et il était temps pour les élèves de retourner chez eux. À ce moment, Billie ne réalisait pas qu’il était aussi temps pour elle de quitter le corps qu’elle avait emprunté, s’étant pris au jeu d’avoir à nouveau une vie normale, mais ce fut au moment où elle sortit de l’établissement et qu’elle vit une femme l’appeler qu’elle réalisa qu’il fallait fuir. De toutes ses forces, elle tenta de retourner à son état fantomatique, mais voila qu’elle n’y arrivait pas. Oh non.

- Micha, viens vite, j’ai des courses à faire !
- Euh… Oui, oui, j’arrive ! »

À ces mots, elle se mit à courir en direction de la femme qu’elle devinait être sa mère, puis la suivit jusqu’à la voiture où un lourd silence régnait. Que devait-elle faire ? Parler ? Se taire ? Comment Micha était-elle avec ses parents ? Et puis comment allait-elle pouvoir se débarrasser de ce corps qui semblait désormais attaché à son âme ? Stressant à la simple idée d’être coincée dans ce corps pour le restant de ses jours, Billie passa le trajet à se mordre la peau de mon pouce.

La voiture s’arrêta finalement devant un immeuble à logement mal entretenu et alors que Billie était sur le point de demander à la femme pourquoi elles n’allaient pas faire les courses comme convenu, la mère lui demanda de se dépêcher de descendre de la voiture :

- Arrête tes enfantillages, j’ai pas que ça à faire, je dois aller travailler après !
- Euh, je, euh, bafouilla-t-elle, c’est quoi notre adresse déjà ..?
- C’est le 205, combien de fois je dois te le répéter pour que tu t’en souviennes ?!

La façon dont la femme lui parlait être brusque et sans amour, Billie pouvait le ressentir au fond de son estomac et, refoulant les larmes qui chatouillaient la naissance de ses cils, elle quitta la voiture pour s’aventurer dans l’immeuble qui serait désormais sa maison … Provisoirement, pensait-elle naïvement à ce moment. Marchant lentement dans les couloirs tout aussi délabrés que la façade, Billie examinait les numéros sur chacune des portes pour trouver le 205. En chemin, elle put entendre des bribes de discussions des autres locataires, toutes plus violentes les unes que les autres, à croire que les murs n’étaient faits qu’en carton. Finalement arrivée chez elle, elle entra dans le lieu encore rempli de carton et qui était pourtant déjà en désordre. Elle déposa son sac à dos à l'entrée et commença l’exploration des lieux pour finalement tomber sur une petite pièce décorée de photos d’enfants qu’elle ne connaissait pas ; c’était sûrement la chambre de Micha. C’était étrange d’entrer dans son intimité alors qu’elle ne la connaissait pas… Elle devait réessayer de quitter son corps pour lui laisser la chance de revenir à elle, mais malheureusement, elle n’en fut incapable, peu importe le nombre de fois qu’elle essaya. Peut-être était-elle trop faible pour le moment et qu’elle devait simplement prendre des forces pour réussir ?

Les jours, les semaines et les mois s’écoulèrent rapidement et malgré les tentatives de Billie à quitter le corps de Micha, celle-ci en restait prisonnière. Ne devrait-elle pas être heureuse d’avoir une seconde chance de vivre ? Cette vision de pensées lui avait traversé l’esprit à quelques reprises, mais l’attitude détachée de sa nouvelle mère lui donnait envie de fuir, et que dire de son agressivité depuis qu’elle avait perdu son emploi..? Billie était trop jeune pour comprendre ce qui se passait réellement, mais elle se demandait parfois si sa façon d’être était différente de celle de Micha et que sa mère s’en était aperçue. Elle se demandait aussi parfois pourquoi son père n’était pas là puisque sa mère n’en parlait jamais, mais peut-être que cela valait mieux puisque les colères de celle-ci la terrorisaient ; jamais elle n’avait vu un adulte perdre le contrôle de cette façon. D’une certaine manière, Billie avait l’impression d’être responsable de sa tristesse et espérait pouvoir l’aider à aller mieux, même si, au fond, ce n’était pas à elle de le faire.

Plus les jours passaient et moins sa mère se montrait présente pour elle, puis finalement, celle-ci commença à disparaître pour des journées entières, laissant l’enfant à elle-même pendant de nombreuses heures. N’ayant pas d’autres choix, Billie dû apprendre à cuisiner elle-même, à faire ses devoirs sans supervision et à revenir chez elle à pied après les cours ce qui était un vrai supplice lorsqu’il pleuvait et qu’elle oubliait son parapluie. Heureusement, il y avait cette fille qui était dans sa classe qui lui prêtait son parapluie lorsque c'était le cas ; elles ne se parlaient jamais et pourtant, elle était suffisamment gentille pour lui éviter de se mouiller… Ça lui faisait chaud au cœur de voir qu’elle n’était pas ignorée de tout le monde, mais malgré ça, elle n’arrivait pas à la remercier, car elle était populaire et qu’elle était … Beaucoup trop jolie pour être approchée.

C’est ainsi que Billie continua à l’observer de loin avec l’envie de lui parler sans pour autant le faire. C’était trop compliqué, pensait-elle alors que l’autre était toujours entouré par d’autres élèves… Elle avait fini par comprendre que Micha n’avait pas d’amis, non par choix, mais parce que les autres enfants ne semblaient tout simplement pas l’apprécier. Elle ne comprenait pas pourquoi, mais elle s’était fait à l’idée que tant et aussi longtemps qu’elle serait Micha, elle ne pourrait pas être populaire. On pourrait croire qu’être si peu appréciée par les gens autour d'elle auraient pu la forcer à changer puisqu'elle ne pouvait pas quitter le réceptacle qu'elle avait emprunté, mais Billie avait fini par croire ce que les gens lui disaient ; elle était bizarre, embarrassante et elle ne semblait pas savoir comment agir comme une enfant. Les années passèrent et Billie devint de plus en plus Micha, oubliant presque qui elle avait été. Sa chambre arborait toujours les photos de ces gens qu'elle ne connaissait pas et, parfois, elle leur inventait une vie en se disant qu'être leur amie avait dû être géniale.

Arrivée à l'adolescence, Billie avait commencé à travailler le soir comme serveuse dans un dîner pour aider sa mère à payer les factures puisqu'elle celle-ci n'arrivait pas à les payer tous les mois. Billie pouvait se souvenir de la peur qu'elle avait ressenti au fond de ses tripes lorsque le propriétaire les avait menacé de les expulser parce qu'elles n'avaient pas payé le loyer depuis plusieurs mois.  De son côté, sa mère n'avait pas semblé paniquée et s'était contentée d’ouvrir sa septième bière de la journée, comme si elle était déjà prête à abandonner la vie.

Désormais, Billie était apte à comprendre ce qui avait poussé sa mère dans cette spirale infernale qui l’empêchait de se reprendre en main, mais elle se sentait toujours aussi impuissante et partagée entre le désir de protéger sa mère et celui de s'échapper de cette atmosphère étouffante. Cependant, ne sachant pas comment l’aider, elle se contentait de fermer les yeux à ce sujet en cherchant du réconfort en cette fille qui l’obsédait encore autant. Toujours incapable de lui parler, Billie demeurait dans l'ombre, à l'abri des regards, tout en dessinant son portrait jour après jour dans un cahier, comme une obsession grandissante, laissant son esprit divaguer sur ce que serait sa vie si elle pouvait s'enfuir avec elle. Si seulement les choses pouvaient changer.

Heureusement, la fin des études arriva et Billie ne tarda pas à quitter l’appartement dans lequel elle avait grandi avec sa seconde mère, trouvant une colocation dans un petit appartement grâce aux petites annonces dans le journal ; l’appartement n’était certes pas bien mieux que celui dans lequel elle avait vécu pendant de nombreuses années et que celui-ci était beaucoup trop cher pour ce qu’il était au point de devoir prendre un second emploi, mais elle avait désormais son indépendance, loin de la peur et du stress quotidien qu’elle pouvait vivre avec sa mère. Ceci dit, les choses n’ont pas vraiment changé pour elle puisqu’il lui arrive de recevoir des appels de l’hôpital ou de la police concernant sa mère qui aurait trop bu et que toujours aussi obsédée par son amour d’enfance, Billie continue à la suivre et l’observer malgré qu’elles ne devraient plus se croiser puisqu’il n’y a plus rien qui les rattache l’une à l’autre.