How did our love go wrong? Ft Karlito

How did our love go wrong

Lyanna & Karl

Without a warning You made our love a lie You said you were sorry But you never told me why

Un mensonge qui fait l’affaire vaut mieux qu’une vérité qui l’embrouille…
Le mensonge a été ce qui avait forgé toute sa vie, et la vérité nouvellement apprise l’avait embrouillée. Lyanna avait l’impression d’être au fond du gouffre et pourtant, d’autres vérités allaient venir l’enfoncer davantage. Pour l’heure, la régente essayait de garder la tête haute en public, cachant de son mieux son mal-être et la souffrance qu’elle ressentait à se sentir aussi méprisable. Elle avait un fils qu’elle avait abandonné et à présent, il avait besoin d’elle. Cela faisait trois ans qu’elle l’avait accepté à White Chapel alors qu’il était loin de remplir les « cases » requises. Mais une force invisible l’avait poussée dès le premier jour à vouloir le protéger, à vouloir l’aider… A présent elle comprenait mieux. Et plus que jamais désormais, elle voulait l’aider. Il n’était tout simplement pas concevable qu’un sorcier de White Chapel, plus encore un qu’elle avait mis au monde, soit aussi médiocre. Alors, elle l’entraînait quasiment chaque jour pour qu’il acquière ce qu’il n’avait pas assimilé à l’académie. La tâche était ardue mais elle ne reculait pas, non, jamais elle n’avait reculé devant les difficultés. Jamais. Elles se dressaient sur son chemin et Lily les balayait à force de travail acharné, cela avait toujours été et cela continuerait.

C’était si difficile mentalement à gérer. Bradley était parti en Louisiane depuis si longtemps, elle espérait qu’il reviendrait rapidement. Seule à la maison, Lily dépérissait, après tout, personne n’était là pour la juger, personne ne pouvait la voir. C’était un samedi matin, une gueule de bois violente l’assaillait et elle regrettait bien que l’habitant du sous-sol ne soit là pour lui préparer sa mixture secrète qui la remettait sur pieds en moins de temps qu’il n’en fallait pour le dire. La soirée de la veille avait été riche, encore, en excès en tous genres. Ruffus était assis sur le bar de la cuisine tandis que Lily, en robe de chambre, se tenait la tête, accoudée au-dessus d’une tasse de café fumante dont le parfum la réconfortait un peu.

Tu devrais y aller mollo aujourd’hui, Lily.
Tais-toi s’il te plaît… sinon je te refile ma migraine.

Ruffus vint se frotter contre son bras avant de descendre.

Tu as de la visite.

Lyanna soupira, il faudrait faire bonne figure encore… Même le week-end ? Pourquoi ne pouvait-elle pas avoir la paix ? Les coups ne tardèrent pas à retentir contre la porte de la demeure Johnston et la voix de Karl retentit. Un nouveau soupir s’échappa de sa bouche, elle rajusta sa robe de chambre tâchant de cacher la morsure de vampire la plus récente sur son épaule et au bas de son cou et dut bien se résoudre à aller ouvrir.

- Salut Karl. Entre, dit-elle sans vraiment le regarder. Un petit café ?

Pas de Jack Daniels, dommage. Elle referma la porte derrière lui et retourna vers la cuisine ouverte où elle lui sortit une tasse.

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@Lyanna Johnston

« Je voulais, je devais être responsable. C’est ce que toute personne chargée de responsabilités doit faire comprendre à ceux qui sont prêts à pardonner ses faiblesses. Oui, j’ai failli, laissant la colère et le désespoir s’emparer de moi à l’annonce de la mort de mon ex-femme. » Karl toussota, poursuivant la lecture des notes griffonnées sur le bout de papier qu’il tenait. Ces mots, écrits la veille, suivaient la disparition d’un flacon de potion d’amnésie, caché dans son bureau. Honteux, Karl avait cédé à la facilité de la magie plutôt qu’à l’ivresse de l’alcool. Pour renforcer sa potion, il avait fréquenté des individus douteux sur Old Spirit Street, risquant l’irréversibilité de son sort par un mauvais dosage. Un tel risque était inhabituel pour Karl Fitzgerald, mais pouvait-il encore se prétendre le même homme après que le malheur eut de nouveau frappé sa vie ?

« — Je ne peux même pas m’occuper correctement de Tyler, alors d’un autre… » murmura-t-il, confiant ses doutes à Maze, son familier.

« Je sais ce que tu penses. Que je ne devrais pas porter le poids du monde sur mes épaules ! Mais c’est plus fort que moi, Maze. Je mets toujours les autres avant moi. » Poussant un long soupir, Karl quitta son fauteuil inconfortable. Il prit un cadre sur son bureau, où sa mère souriait radieusement à côté d’Arthur. « Elle voyait toujours du bon, même là où il semblait n’y en avoir aucun. J’ai essayé, moi aussi. Mais je crains que ce monde ne soit corrompu, Maze ! » Il effleura la photo de sa mère, puis reporta son attention sur son père, affichant un sourire forcé.

« Il me manque. » L’émotion brouilla sa vision. Il avait besoin d’un verre. Se levant, il saisit une bouteille de whisky de l’armoire en acajou. « — Rien de tel qu’un bon whisky ! » murmura-t-il en remplissant son verre.

« Je sais, j’ai besoin de me ressaisir. J’ai convoqué nos membres éminents. Je dois les rassurer, leur montrer que je suis là, que je tiens bon, malgré tout. » Il observa le liquide ambré dans son verre, tandis que Maze, le loup, le fixait de ses yeux perçants.

« Tu te demandes si je vais leur parler de Zephyr ? Nous avons tous droit à nos petits secrets, n’est-ce pas ? Imagine les conséquences si on apprenait que la régente de White Chapel et le régent de Red-House ont un enfant ensemble. » Karl parut offusqué par le silence accusateur de Maze. « Non, je ne ressens plus rien pour elle. C’est du passé. Oui, je m’inquiète pour elle, c’est normal entre confrères. »

Il termina son verre, frustré par la perspicacité de Maze. « D’accord, tu veux que je me confesse, c’est ça ? Quand je suis avec elle, je suis en colère, et je ne sais pas si c’est contre elle ou contre moi. Tu sais combien je l’ai aimée. »

Perdu dans ses pensées, il ne remarqua pas Maze quitter la pièce. Ce n’est que lorsque le loup émit un grognement qu’il releva la tête, surpris. « Attends, oui, mais pas maintenant. Je sais, j’ai promis qu’on devrait parler. Non, je ne suis pas lâche. D’accord, je le ferai. »

Ainsi, Karl se retrouva devant la demeure familière de Lyanna, les mains vides. Après avoir désactivé le sort de protection, il frappa à la porte. « — Lyanna, c’est moi. Nous avions prévu de parler, et je suis là. »

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De toutes les personnes qui auraient pu lui rendre visite un jour de fin de semaine, il avait fallu que le visiteur soit Karl Fitzgerald. L’agacement avait pu être lu sur le visage de la régente avant qu’elle n’ouvre la porte, se reprenant juste à temps pour que l’intéressé ne le voit pas. Elle l’invita à entrer. Même pas un bonjour, quel rustre. Elle referma la porte derrière lui et passa devant sans le regarder.

- Il paraît que ça se fait, de prévenir avant de passer. ça m'aurait évité de t'accueillir en peignoir. Maintenant que tu es là…

Il refusa son offre pour le café et elle se contenta de hausser les épaules en prenant sa tasse qu’elle porta à ses lèvres. Elle s’apprêtait à l’envoyer bouler quand il lui demanda si elle avait la gueule de bois, après tout ça ne le regardait pas, mais il partit sur ses propres lubies et Lyanna y vit comme une façon d’être moralisateur. Néanmoins, elle ne pouvait que saluer le style. Une potion d’amnésie, bien tenté. A essayer. Et sans transition, il embraya sur cette fameuse discussion qu’ils devraient avoir. Elle roula des yeux.

- Appelle-moi comme tu veux, c’est pas grossier de me nommer par mon diminutif, rétorqua-t-elle, laissant paraître une pointe d'agacement.

Elle reprit une gorgée de café, espérant faire taire les martèlements dans sa tête quand il lui demanda comment elle allait. Lily manqua de s’étouffer avec sa gorgée de café avant d’éclater de rire.

- Aussi bien qu’on puisse aller quand on découvre que toute sa vie n’est qu’une farce. C’est vraiment la question la plus idiote que tu pouvais me poser.

Malgré tout, elle voyait bien qu’il faisait un effort et, reposant sa tasse, elle posa enfin les yeux sur lui.

- Excuse-moi, j’aurais pas dû. Le fait est que… très honnêtement, ça fait vingt-trois ans que je suis en colère après toi et je pense qu’en tout ce temps, sans te voir, j’ai eu le temps d’agrémenter un peu plus ce ressentiment. Je vais… essayer de travailler sur ça. On doit faire abstraction de ça maintenant. On a… Zephyr… mon dieu ça me fait toujours aussi bizarre.

Elle qui avait toujours voulu avoir une famille, un peu comme ses parents, et qui avait ragé intérieurement toute sa vie de ne pouvoir en avoir, elle se découvrait avec un fils de la vingtaine passée. La vie réservait des surprises étranges.

- Tu la fais à base de quoi, ta potion d’amnésie ? demanda-t-elle innocemment.

Dans sa tête, elle passait en revue les potentiels ingrédients. Elle ne réalisait plus très souvent de potions, elle n’avait reprit ce genre de procédés que pour essayer d’enseigner à Zephyr les bases qu’il n’avait pas été fichu de retenir durant ses années à l’académie.

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@Lyanna Johnston

Karl avait rejoint sa voiture, qu’il conduisait lui-même. Il s’était refusé depuis longtemps à avoir un chauffeur privé. Pour lui, conduire représentait une liberté, et il n’était pas question d’y renoncer sous prétexte de son statut de régent. Toutefois, il avait continué à rémunérer le chauffeur attitré du coven jusqu’à sa retraite, en guise de reconnaissance pour les services rendus à l’institution. La radio, réglée sur l’une de ses stations favorites, accompagnait le régent qui tentait d’ignorer les paroles condescendantes de son favori Maze.

« Stop ! Arrête de faire le condescendant, Maze. Et puis, je m’habille comme je veux, mauvais goût ou pas. Je n’ai de comptes à rendre à personne. » Effectivement, loin des costumes, trois pièces de facture italienne habituelle, Karl portait ce jour-là un jean, une paire de baskets blanches à bandes noires, un pull gris léger à manches longues et par-dessus, une veste noire à capuche en similicuir. Un style « casual » et discret, parfait pour ne pas attirer l’attention ce soir.

Roulant presque à vive allure sur la voie rapide, les cheveux au vent, il se délectait des sons émanant de la radio. Rien de kitsch, juste quelques accords de guitare sèche judicieusement placés, réveillant la mélancolie d’une âme en perdition. « — Bonsoir, la déprime ! » Il éteignit la radio, interrompant les lamentations d’un chanteur dont il ignorait le nom, et reprit sa route.

Revenir ici n’était pas anodin pour Karl Fitzgerald. Une fois sa voiture garée, il prit un moment pour observer les lieux. Rien n’avait changé, c’était incroyable, tout comme sa présence sur cette propriété désormais à Lyanna. « — Arrête de me materner ! », lança-t-il à son familier dissimulé dans l’ombre. Il s’approcha de la porte, brisant sans peine le sortilège de protection, et constata que si l’extérieur était inchangé, l’intérieur, lui, avait subi un impressionnant lifting. La porte s’ouvrit sur une Lyanna en robe de chambre, visiblement troublée.

« — Je dérange, apparemment. J’aurais peut-être dû prévenir. » Mais il entra, découvrant une modernité intérieure qui faisait défaut vingt ans plutôt. « — Non, merci pour le café. Tu as la gueule de bois ? » Il sentait l’odeur de l’alcool, mais se retint de tout jugement. « — Je ne suis pas là pour juger. Moi, j’ai dopé une potion d’amnésie avec des ingrédients peu orthodoxes. Ça marchait plutôt bien. Pendant vingt-quatre heures, je ne ressentais aucune pensée négative. En fait, je ne ressentais rien du tout. C’était agréable, mais addictif. J’ai deux fils, un coven, c’était égoïste de ma part. Je crois qu’on devrait parler, crever l’abcès. Et encore une fois, je ne suis pas là pour te juger, Lily… enfin, Lyanna. Je ne suis pas là en tant que régent, mais en tant que Fitz. Alors, comment vas-tu ? »

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De toutes les personnes qui auraient pu lui rendre visite un jour de fin de semaine, il avait fallu que le visiteur soit Karl Fitzgerald. L’agacement avait pu être lu sur le visage de la régente avant qu’elle n’ouvre la porte, se reprenant juste à temps pour que l’intéressé ne le voit pas. Elle l’invita à entrer. Même pas un bonjour, quel rustre. Elle referma la porte derrière lui et passa devant sans le regarder.

- Il paraît que ça se fait, de prévenir avant de passer. ça m'aurait évité de t'accueillir en peignoir. Maintenant que tu es là…

Il refusa son offre pour le café et elle se contenta de hausser les épaules en prenant sa tasse qu’elle porta à ses lèvres. Elle s’apprêtait à l’envoyer bouler quand il lui demanda si elle avait la gueule de bois, après tout ça ne le regardait pas, mais il partit sur ses propres lubies et Lyanna y vit comme une façon d’être moralisateur. Néanmoins, elle ne pouvait que saluer le style. Une potion d’amnésie, bien tenté. A essayer. Et sans transition, il embraya sur cette fameuse discussion qu’ils devraient avoir. Elle roula des yeux.

- Appelle-moi comme tu veux, c’est pas grossier de me nommer par mon diminutif, rétorqua-t-elle, laissant paraître une pointe d'agacement.

Elle reprit une gorgée de café, espérant faire taire les martèlements dans sa tête quand il lui demanda comment elle allait. Lily manqua de s’étouffer avec sa gorgée de café avant d’éclater de rire.

- Aussi bien qu’on puisse aller quand on découvre que toute sa vie n’est qu’une farce. C’est vraiment la question la plus idiote que tu pouvais me poser.

Malgré tout, elle voyait bien qu’il faisait un effort et, reposant sa tasse, elle posa enfin les yeux sur lui.

- Excuse-moi, j’aurais pas dû. Le fait est que… très honnêtement, ça fait vingt-trois ans que je suis en colère après toi et je pense qu’en tout ce temps, sans te voir, j’ai eu le temps d’agrémenter un peu plus ce ressentiment. Je vais… essayer de travailler sur ça. On doit faire abstraction de ça maintenant. On a… Zephyr… mon dieu ça me fait toujours aussi bizarre.

Elle qui avait toujours voulu avoir une famille, un peu comme ses parents, et qui avait ragé intérieurement toute sa vie de ne pouvoir en avoir, elle se découvrait avec un fils de la vingtaine passée. La vie réservait des surprises étranges.

- Tu la fais à base de quoi, ta potion d’amnésie ? demanda-t-elle innocemment.

Dans sa tête, elle passait en revue les potentiels ingrédients. Elle ne réalisait plus très souvent de potions, elle n’avait reprit ce genre de procédés que pour essayer d’enseigner à Zephyr les bases qu’il n’avait pas été fichu de retenir durant ses années à l’académie.

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@Lyanna Johnston

Maze avait vu juste. « Tu penses à elle », avait-il questionné, un regard perçant, son intuition transcendait les barrières du maître à élève. Oui, Karl pensait constamment à elle, ses pensées s’intensifiant depuis qu’il avait découvert son plus grand secret. Il aurait dû ressentir de la colère, voire de la haine pour ses actes, qu’il jugeait égoïstes. Pourtant, aucune animosité ne troublait son cœur. Seule une profonde tristesse pour elle l’envahissait.

« — Je vois que tu es d’une humeur massacrante. Mauvaise soirée ? » Karl posa la question d’une voix neutre, son regard évasif s’échappant à travers la fenêtre embuée, reflétant une rue de White Chapel baignée dans les teintes sombres du crépuscule. Bien qu’il semblait indifférent à la réponse, une partie de lui était toujours hantée par ce qu’il savait d’elle, par des rumeurs qui se glissaient dans les conversations des régentes, dévoilant des fragments de son existence nocturne. Connaissances qu’il aurait préféré ignorer, surtout concernant la femme qu’il avait autrefois aimée passionnément.

Se reprenant, il déclina poliment le café que Lyanna venait de lui proposer. Son esprit se perdait dans des souvenirs lointains, une époque où leur amour semblait invincible. Il se souvint de leurs rires partagés, de leurs disputes passionnées, de leurs promesses murmurées sous les étoiles.

« — Non, ce n’est pas grossier, mais ce diminutif appartient à une époque révolue. » Sa voix était teintée d’une mélancolie inattendue, ravivant les souvenirs d’un passé qu’il croyait avoir enterré. Son regard se posa sur elle, observant les traits de son visage, autrefois familiers, maintenant marqués par une lassitude qu’il reconnaissait trop bien.

Lyanna, surprise par l’intensité soudaine de son regard, avala une gorgée de café avec difficulté. Son rire éclata, résonnant dans la pièce comme un masque de dérision. « — Bien, si tu le prends ainsi. J’essayais juste d’être agréable. » Sa voix était douce mais ferme, trahissant un effort pour maintenir la courtoisie dans des circonstances tendues.

Karl, tout en gardant son calme, se rappela leur dernière rencontre, teintée de reproches et de non-dits. « — Comment en sommes-nous arrivés à éprouver toute cette colère, ce ressentiment, cette douleur l’un envers l’autre ? » murmura-t-il plus pour lui-même, ses yeux s’assombrissant à la pensée de leurs erreurs passées.

Il se ressaisit, changeant de sujet. « — Mais tu as raison, nous avons Zephyr, et nous nous devons d’être responsables pour lui. Après tout, il n’a rien demandé. » L’évocation de leur fils semblait lui peser, une responsabilité qu’il avait négligée, un lien brisé par le temps et les circonstances.

Pour lui aussi, c’était encore difficile à admettre, mais plus encore douloureux. Il avait un autre fils qu’il n’avait pas vu grandir, un de plus. Quel père indigne il faisait. « Arrête de te fustiger bon sang. Il faut grandir un peu Karl. Oui, tu as merdé sur toute la ligne. Oui, tu as reproduit l’échec paternel, mais c’est comme ça. Personne n’est parfait. »

Karl soupira, ses pensées tourbillonnantes. Il fut tiré de sa rêverie par la question de Lyanna sur sa potion d’amnésie. « — Non, ne compte pas sur moi pour te le dire. Chasser la souffrance n’aide pas à avancer. Il faut en chier pour aller mieux. Je ne ressentais plus les choses négatives, mais à mesure que j’augmentais ma consommation, je ne ressentais plus rien tout court. Ce n’est pas la solution, Lyanna, crois-moi. »

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Lyanna & Karl

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Comment cet homme, dont par le passé lui faisait boire ses paroles, cet homme que jusqu’à l’âge de seize ans elle idolâtrait presque, le considérant comme son prince charmant, l’homme de sa vie, celui avec qui elle vivrait heureuse jusqu’à son dernier souffle, en était venu à être insupportable au possible à chacune des paroles qu’il prononçait ? Chaque phrase lui semblait être d’une stupidité déconcertante, et pourtant, il lui arrivait d’avoir raison. Parfois. Rarement. Par contre, il savait se montrer désagréable. Souvent. Tout le temps.

- Mon humeur va bien et la soirée était parfaite. C’est la matinée qui l’est moins.

Il pourrait comprendre ce qu’il voulait. La gueule de bois était bien moins désagréable que devoir lui faire face, mais il avait raison en ce sens où cette conversation, ils devaient l’avoir.

- C’est qu’un diminutif, Karl, tout le monde m’appelle comme ça !

Lyanna se contenta de secouer la tête à sa remarque suivante.

- Sois toi-même, on n’est pas en représentation, j’ai pas besoin que tu sois agréable. Comme tu l’as dit, tu ne viens pas en tant que régent de Red House. On ne serait pas chez moi sinon. C’est juste nous. Les vrais nous.

La question suivante la laissa perplexe une seconde. Ces questionnements, elle se les était posé des milliers de fois depuis ces vingt-trois années.

- La colère résulte de la douleur et de la déception. Ces trois demoiselles marchent ensemble, sans jamais se séparer. J’ai souffert de notre séparation, même si ça m’emmerde de l’admettre, c’est pourtant vrai, j’ai jamais autant souffert de ma vie, cette douleur mentale est la pire que j'aie connue. La déception est venue quand, comme une idiote, accrochée à l’espoir que tu reviennes, j'ai compris que tu ne le ferais pas. Puis j'ai découvert ma grossesse, c'était trop tard, j'étais toute seule pour gérer ça, j'étais pas prête, j'étais morte de peur. Et tout ça a fini par engendrer de la colère, une colère à la hauteur de la douleur et de la déception. Est-ce que ça répond à ta question ?

Lily essayait de garder un ton posé, comme lorsqu’elle faisait des discours auprès de ses sorciers ou qu’elle annonçait des choses non plaisantes mais qui se devaient d’être sues et entendues.

- En effet, il n’a rien demandé et j’avoue ne pas comprendre comment des sorciers de talent comme toi et moi avons pu créer un gamin aussi peu doué. Mais je n’ai pas changé, je ne recule pas devant les challenges aussi ardus soient-ils. Je parviendrai à en faire un sorcier digne de ce nom.

Et bien entendu, Fitz ne put s’empêcher de recommencer à faire le donneur de leçon. Lyanna roula des yeux.

- Oh je vois, il n’y a que toi qui aies le droit d’expérimenter des trucs, les autres n’ont qu’à t’écouter fanfaronner. J’ai pas besoin de toi de toute façon, si j’ai envie de le faire, je trouverai bien. Je sais aussi ouvrir des grimoires. Bref, on s’en fout, oublie ce que j'ai dit.

Il l’agaçait et elle devait contenir cet agacement.

- Bon alors, tu voulais qu’on parle, parlons. Tu veux passer du temps avec Zephyr ? Ça lui ferait peut-être du bien. Apprends-lui à ne pas s’attirer d’ennuis. Je ne sais pas quelle est cette famille qui l’a élevé, mais visiblement, l’instinct de survie ne faisait pas partie des bases.

Lyanna avait fait tout ce qu’elle pouvait depuis trois ans qu’il était à White Chapel, et plus encore depuis une semaine qu’elle connaissait la vérité, mais elle était présentement épuisée, moralement et physiquement.

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@Lyanna Johnston

« — C’est juste un diminutif, Karl, tout le monde m’appelle comme ça ! » Cette réplique, aussi anodine qu’elle puisse paraître, blessa Karl plus qu’il ne l’aurait imaginé. Autrefois, lui seul avait le privilège d’utiliser ce diminutif. Les autres, en particulier ceux qui n’étaient pas proches de Lyanna, se voyaient accueillis par un regard noir s’ils osaient prononcer « Lily », les dissuadant de recommencer. Karl se sentait alors privilégié et appréciait ce statut, ne se privant jamais d’appeler l’adolescente « Lily », alors qu’elle le surnommait « Fitz », un diminutif qu’il ne supportait plus désormais.

« — Tout le monde m’appelle Fitz aussi », répliqua-t-il presque aussitôt, se sentant idiot après coup. Maze, son serviteur, ne manqua pas de souligner l’immaturité criante de son maître, qui résista une fois de plus à l’envie de le renvoyer. Au lieu de cela, Karl se concentra sur Lyanna. « — Les vrais “nous” ? » Une notion qui lui échappait manifestement. « — Cela signifie-t-il que jusqu’à présent, nous n’étions pas notre véritable “nous” ? » Cette réflexion, bien qu’introspective, semblait étrange, presque déplacée. N’y avait-il pas d’autres sujets plus cruciaux que cette quête identitaire ? Karl se maudissait de trop réfléchir, incapable de simplement être présent. Pourquoi tant de questions ? Cela n’avait aucun sens. Jamais auparavant ils ne s’étaient posé ces questions. Alors, pourquoi maintenant ?

« — J’aurais peut-être dû prendre ce café avec du whisky, ou quelque chose de plus fort ! » se dit-il. Mais c’était juste le début, et Lyanna Johnston avait apparemment beaucoup à dire sur la souffrance.

« — Tu as eu vingt-trois ans pour théoriser tout ça, à ce que je vois. » Il marqua un long silence et ressentit une douleur poignante au cœur, si inconfortable qu’il se massa légèrement la poitrine. « — J’étais en colère, je pense… » Il fut surpris de paraître si incertain, sentant à nouveau la douleur, moins intense cette fois. « — Je t’aimais à la folie, Lyanna. Je voyais notre avenir ensemble. Quand tout s’est arrêté, tout est devenu sombre et incertain. J’ai choisi l’enseignement sans vraiment le vouloir… » Il s’interrompit, fuyant le regard perçant de la régente. « — C’est comme si je n’étais plus moi-même. » Il avala sa salive bruyamment, la colère l’envahissant. Il n’avait pas le droit de dire de telles absurdités. Il était fautif et devait assumer sa part de responsabilité.

« — Oui, il n’a rien demandé, » répliqua-t-il, ignorant les insinuations de Lyanna sur le manque de talent de leur fils. Il avait d’autres priorités. « — J’aimerais le connaître, si tu me le permets. » L’idée de la magie l’indifférait, mais il n’était pas assez naïf pour croire qu’il pourrait rattraper plus de vingt ans d’absence en un claquement de doigts. « — Juste pour parler, je ne demanderai pas plus. » Conscient de ses limites et de la nature complexe de sa relation avec Tyler, il savait qu’il ne possédait pas un instinct paternel naturel. Les tensions ressurgirent, preuve qu’ils ne pouvaient s’en passer malgré leurs efforts.

« — Arrête ça ! Je ne me vante pas, c’était dangereux, bon sang. J’ai agi sans réfléchir… » Son regard se posa lourdement sur Lyanna. « – Tu sais, depuis notre dernière rencontre à White Chapel, j’y pense souvent. C’était fou, mais je le voulais vraiment, Lyanna, comme si je ne pouvais pas résister à cette force qui m’attire vers toi. »

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Tout était bizarre, revoir Karl aussi souvent alors qu’elle ne l’avait plus vu depuis vingt-trois ans, c’était bizarre, cette… vérité qui les unissait désormais à jamais était bizarre, et Karl lui-même était bizarre. Pourquoi donc venait-il lui dire que tout le monde l’appelait Fitz lorsqu’elle avait avancé qu’elle ne s’offusquerait pas s’il l’appelait par son diminutif le plus courant ? Lily haussa les épaules ainsi qu’un sourcil.

- Super…

Que pouvait-elle répondre d’autre ? Sans attendre, il rebondit sur ce qu’elle venait de dire ce qui la fit soupirer. Karlito l’intello était de retour, toujours à analyser chaque syllabe de chaque mot. A une époque, elle trouvait ça charmant, aujourd’hui, elle trouvait ça chiant.

- Je voulais dire par là, pas les régents de coven, on n’a pas à se tenir droit, parler correctement et éviter d’envoyer chier ceux qui nous pompent l’air ! Tu sais quoi, prends un café quand même !

Sans attendre, elle se saisit de la cafetière et versa le noir nectar dans la tasse qu’elle avait préalablement sortie pour lui. Puis, Lyanna sortit une bouteille de Jack Daniel’s pour en verser un peu dans sa tasse et la poser devant celle de Karl pour qu’il se serve s’il le voulait. La conversation pouvait reprendre et la régente entreprit de répondre aux questionnements de son ex.

- ça m’a pris moins de temps, rassure-toi, y a pas que toi dans ma vie, très cher.

Mais bien vite, elle dut se résoudre à baisser les armes, voyant Fitz se masser la poitrine. Elle se surprit à craindre pour sa santé. Il ne faisait pas une crise cardiaque tout de même ? La belle brune ressentit elle-même comme un sentiment de malaise, comme si quelqu’un lui étreignait le coeur sans vergogne. Elle esquissa une grimace en détournant le regard, écoutant ce qu’il disait. C’était tellement réciproque.

- Tu crois que tu m’aimais comme un fou hein ? Dis-toi que j’avais déjà planifié notre mariage et toute notre vie. On aurait eu trois enfants, une maison encore plus immense que celle-ci et tu aurais dirigé l’académie. On aurait été les plus heureux jusqu’à notre dernier souffle avec notre grande et belle famille. Les rêves d’une gamine un peu trop romantique, soupira-t-elle avant de prendre une gorgée de son café.

Ils parlèrent finalement de Zephyr, après tout, ils étaient là pour ça.

- J’ai pas à permettre ou non, il est adulte, il fait ce qu’il veut. Je n’ai pas mon mot à dire. Je peux juste le conseiller quant à ses fréquentations. Mais crois-moi, il n’écoute pas.

Karl avait fait mention de son petit dérapage de quelques jours avec une potion qu’il déconseilla vivement à Lyanna. Elle détestait qu’on lui dise quoi faire et ne put s’empêcher de riposter avant de réaliser que son attitude était puérile. Elle se contenta de hocher la tête en regardant le fond de sa tasse et en engloutir une autre gorgée. Le café faisait du bien, et ce qu’il contenait aussi. Son regard fut alors comme aimanté à celui de Karl lorsqu’il évoqua cette fameuse nuit à White Chapel, cette nuit où ils avaient légèrement dérapé et où la vérité fut révélée. Lily était perturbée par ce qu’elle entendait. Parce qu’elle pensait la même chose sans vouloir l’accepter. Comment accepter cette attirance qu’elle rejetait de toutes ses forces depuis plus de deux décennies. Elle esquissa un sourire en coin.

- Quoi, tu regrettes de pas avoir eu le temps de finir ce que tu as commencé ?

Elle souffla en levant les yeux au ciel.

- ça va ! Moi aussi j’en avais envie, je peux pas le nier, c’est moi qui t’ai sauté dessus. Force est de constater qu’on était de nouveau deux adolescents ce soir-là, incapables de contrôler nos pulsions. Par ailleurs j’ai manqué de respect envers mon coven… Franchement, sur l’autel, ça craint ! soupira-t-elle.

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@Lyanna Johnston

OLD SPIRIT PLACE,
23 ans auparavant.

Sous la lueur vacillante des torches, les visages étaient à peine discernables. La plupart, dissimulés sous des capuches, semblaient chercher à éviter toute reconnaissance. Cependant, le bruit de leurs pas résonnant en écho rendait leur discrétion vaine. Sur les murs, les ombres se distordaient, s’allongeant démesurément puis se rétrécissant au fur et à mesure que leurs porteurs se rapprochaient. Le tavernier s’était assuré que la salle était vide avant de se diriger vers la réserve, qui servait également de crypte.

Autrefois, ce lieu était un point de rencontre pour les sorciers pratiquant la magie interdite, avec la complicité du propriétaire. Son descendant, craignant les foudres de la Red-House et de la White Chapel, avait choisi de collaborer, éliminant tout vestige de magie noire. Néanmoins, l’endroit restait un secret bien gardé, connu seulement des hauts dignitaires des deux covens dominant Los Angeles.

« Cela ne prendra pas longtemps, soyez sans crainte », assura le commerçant avec un sourire, tandis que le sorcier encapuchonné se débarrassait de son long manteau pour emprunter un passage secret menant à la cave, où d’autres sorciers l’attendaient. Tous portaient des capuches et se découvrirent à l’arrivée du nouveau venu.

« Quel honneur d’être en présence de monsieur le régent de la Red-House. Votre successeur n’est pas là ? »
« On m’a dit de venir seul. »
« En effet, c’est préférable. » Une sorcière prit alors la parole, arborant fièrement le symbole de la White Chapel, bien qu’elle semblât mal à l’aise en présence de sorciers de la Red-House, une aversion mutuelle manifeste. Mais l’urgence de leur mission ne leur laissait pas le temps de tergiverser.

« Je vous écoute. Qu’avez-vous de si important à nous dire pour exiger ma présence ? »
« La White Chapel est en péril… » commença l’autre régent, avant d’être interrompu par une remarque cinglante de son homologue.
« Ce n’est pas une nouveauté. C’est donc pour cela que vous m’avez fait venir ? Merci pour cette révélation. » Son ton léger exaspérait à la fois la sorcière et son régent. « L’émergence d’un autre coven est imminente. J’ai vu des signes indubitables. Mais j’ai également vu nos covens regagner en popularité. »
« Vos paroles me rassurent, mais je ne saisis toujours pas ma présence ici. »
« Lyanna Johnston doit devenir régente. C’est une nécessité. Elle est notre espoir. Vous n’ignorez pas qu’elle est amoureuse d’un sorcier de votre coven, le fils de votre successeur qui plus est. » Le régent commença à comprendre les intentions de la clairvoyante. « Nous devons les séparer. Lyanna ne doit pas se détourner du destin qui lui est réservé. »
« Et le fils d’Arthur ? »
« Il vous sera bénéfique. Sa bienveillance changera la perception qu’ont de nombreux sorciers de votre coven. »
« Leur amour est profond, cela ne sera pas aisé. Il faudra manipuler leurs cœurs et leurs esprits, semer la discorde pour les éloigner… »

MANOIR DES JOHNSTON
Aujourd’hui

Karl se sentait mal à l’aise, bien qu’autrefois il avait partagé des moments tendres avec la femme qui lui faisait face. Il accepta néanmoins le café et le whisky, sa gorge se desséchant à mesure qu’il parlait, chaque mot empreint d’une conviction et d’une intensité croissantes, preuve que la souffrance continuait de l’inspirer. « — Je sais que tu as eu d’autres hommes dans ta vie, heureusement, et je te rassure, c’est réciproque. » Il regrettait cette immaturité, inappropriée étant donné son âge et sa position, mais il ne mentait pas en le disant. Le sorcier avait connu d’autres personnes, s’était même laissé aller à de nombreuses conquêtes, une période d’exploration qu’il avait précédée de son retour au coven et de son accession au pouvoir, mais dont il n’était pas fier, compte tenu des excès.

Heureusement, personne n’était au courant de cette sombre période, car sinon, nombreux auraient été ceux dans le coven de la Red-House à réclamer son départ. Parfois, la nostalgie le saisissait, le faisant se demander ce qui aurait pu se passer s’il n’avait pas rencontré certaines personnes. Il pensait aussi à cette femme aux cheveux roux, qui vendait son corps et ses charmes, avec qui il avait partagé une intense passion, allant bien au-delà d’une relation client prostituée, mais qui s’était terminée quand le sorcier avait retrouvé la raison et son coven. Une passion qu’il n’avait jamais ressentie, sauf avec la femme en face de lui. Elle était toujours aussi belle, même dans l’impuissance et la détresse. Mais il ne retrouvait pas, même dans son regard, la jeune et intrépide Lyanna qu’il aurait aimé pour l’éternité si… Son cœur lui faisait encore mal, une douleur étrange, trop pour être ignorée. Devait-il s’en inquiéter ? Jamais auparavant il n’avait ressenti une telle douleur. Mais il devait admettre qu’il se passait toujours quelque chose en présence de la sorcière de la White Chapel. Ressentait-elle la même chose ? Éprouvait-elle cette lutte perpétuelle entre attirance et répulsion ?

Un tourbillon de sentiments contradictoires régnait dans son esprit, un véritable chaos. Il avait du mal à se concentrer, et cela devenait encore plus difficile lorsqu’il se demandait pourquoi leur histoire avait pris fin alors qu’il l’aimait passionnément. Manifestement, il n’était pas le seul à se poser des questions. À l’époque, Lyanna s’était, elle aussi imaginé leur avenir commun, un avenir désirable, même si, à cet âge, on a tendance à tout idéaliser. Pourquoi n’avaient-ils pas réussi ? Il aurait voulu rebondir sur ses paroles, mais il semblait qu’ils changeaient de sujet avec amertume. Karl aurait aimé lui dire qu’il avait également imaginé une vie avec elle, mais pour une raison inconnue, il ne parvenait pas à l’exprimer. Il décida de ne pas s’attarder sur ce point pour l’instant et prit une gorgée de café au whisky.

« — Que notre fils soit adulte ou non, cela ne change rien. Tu es sa mère, il est avec toi, il me semble donc normal de demander la permission. Je ne veux rien imposer, je ne fonctionne pas comme ça. »

L’opposition était à nouveau palpable, signe qu’ils semblaient incapables de dialoguer sereinement. Karl ne voulait pas se montrer moralisateur, il ne supportait simplement pas de voir Lyanna sombrer dans une nouvelle addiction. Cela lui faisait mal, au sens propre comme au figuré, de l’admettre, mais il tenait encore à elle et ne supportait pas de la voir ainsi. « J’aimerais la voir sourire à nouveau », se surprit-il à penser après avoir exprimé son attirance inexplicable, des mots difficiles à prononcer une fois de plus. Et alors, comme par magie, il vit ce sourire, timide, mais sincère, changeant l’atmosphère entre eux. « — C’était frustrant, je l’admets, et je n’ose imaginer ce que notre fils a ressenti… » Il s’arrêta, se passant une main sur le visage et riant. « — Nous avons toujours été passionnés, toi et moi. Ça me manque… parfois… »

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@Lyanna Johnston

Lyanna ne se doutait pas d’à quel point elle était proche de la vérité quand elle disait que sa vie n’était qu’une farce, un vaste mensonge. Elle s’était menti à elle-même durant toutes ces années en se faisant oublier la naissance de Zéphyr, c’était vrai, mais elle ignorait encore que les anciens régents de Red House et White Chapel avaient comploté pour qu’elle accède à sa place actuelle sans être détournée de ses objectifs par une « vulgaire histoire d’amour ». Histoire qui paraissait néanmoins suffisamment sérieuse et dérangeante pour que l’ancienne régente de White Chapel, et ensuite son successeur, s’en mêlent en s’alliant à leur rival pour faire se séparer les deux adolescents follement épris l’un de l’autre. Pour l’heure, ces deux adolescents étaient désormais deux adultes et des figures d’autorité pour les deux principaux covens de Los Angeles, et ils se faisaient face de manière tout à fait officieuse pour discuter de leur vie privée et de cette personne qui les liait désormais pour toujours : leur fils.

- Non Karl, comme je te l’ai dit, il est libre de faire ses choix. S’il est avec moi, comme tu dis, c’est avant tout parce que je suis sa régente, il a choisi White Chapel voilà trois ans. Et même si je l’avais élevé, je n’aurais, à l’heure actuelle, rien à autoriser ou interdire, il a vingt-trois ans. Je ne peux que donner un avis, et mon avis est qu’effectivement, ça ne peut pas lui faire de mal de passer un peu de temps avec toi. Mais n'essaie pas de me mettre sur le dos un hypothétique refus de sa part. J'insiste, je n'ai aucune décision à prendre à sa place.

Quelque part, ça l’embêtait de l’admettre, mais Karl ne pouvait que lui apporter de bons conseils. Lily n’avait aucune idée de quel genre de figure paternelle Zephyr avait pu avoir, et cela la faisait d’autant plus culpabiliser, mais elle savait au fond d’elle que Fitz était quelqu’un de bien. Elle attrapa un bloc de post-il qui traînait sur le comptoir où ils étaient tous deux accoudés avec leurs boissons, et griffonna le numéro de cellulaire de leur fils.

- Appelle-le, je suis sure que ça lui fera plaisir, dit-elle en lui tendant le petit carré de papier qu’elle venait de décoller du bloc.

Karl avait évoqué cette fameuse nuit de la semaine précédente où ils avaient été surpris. Lily esquissa un sourire.

- Ça va, il n’a rien vu, c’était juste un peu… explicite… Je crois.

Elle secoua la tête lentement en regardant en direction de la fenêtre, principalement pour éviter le regard de son interlocuteur.

- Il faut croire qu’inconsciemment, je te trouve toujours attirant.

Le rire de Fitz ramena son regard à lui, ses yeux s’ancrant dans les siens. Elle-même se mit à sourire d’un air amusé.

- Des passionnés, oui. Du genre pas très modérés, il faut le reconnaître.

Une foule de souvenirs refaisait surface quand elle fut surprise d’entendre Karl dire que tout cela lui manquait. À bien y réfléchir, leurs trois années d’idylle avaient été une période extrêmement heureuse, et si cette odieuse rupture aussi soudaine que douloureuse n’était pas advenue, la régente se demanda si ses rêves de famille se seraient réalisés.

- Qu’est-ce qui te manque ? La passion ? Cette naïveté presque innocente que nous avions, avec l’avenir devant nous qui nous tendait les bras avec une infinité de possibilités ? demanda-t-elle avec un léger sourire nostalgique. C’est vrai, c’était bien. Nous étions heureux à ce moment-là. En tout cas, moi je l’étais.

La sorcière laissa échapper un soupir, ayant l’impression d’en avoir trop dit, et s’empressa de vider sa tasse de café réhaussée au Jack Daniel’s histoire de se taire un peu. Malgré tout, plus elle en buvait et plus elle voulait des réponses à ses questions.

- Qu’est-ce qui nous est arrivé, Karl ? Que s’est-il passé ? J’avoue que ça m’intrigue de plus en plus. Quand on s’est revus à Ravenwood le mois dernier, tu me parlais d’une lettre que je t’aurais écrite, tu en avais l’air persuadé, puis tu as finalement paru confus à ce propos… Je sais que ça remonte à loin et que c’est sans doute vain, mais quand même… On a souffert tous les deux, à ce que je constate. J’aimerais comprendre. Comment on a pu en arriver là ? C’est vrai qu’il y a au moins deux fois prescription, mais ça reste le plus gros mystère de ma vie. Dis-moi la vérité sans langue de bois. Que s’est-il passé de ton côté ?

Elle n’était plus à une vérité douloureuse près de toute façon. Il fallait qu’elle comprenne, elle voulait savoir et elle voulait ces réponses aujourd’hui.

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@Lyanna Johnston

Une triste mélodie résonnait dans sa tête. Encore des notes de piano, comme lorsqu’il avait enterré sa mère. C’est ainsi que Karl interprétait la tristesse et tous les sentiments qui s’en rapprochaient. La vision pouvait paraître poétique, mais elle ne l’était pas pour un sorcier qui vivait cette émotivité comme une faiblesse. Parfois, il le regrettait et fustigeait l’héritage que lui avait transmis Penelope, sa mère. Peut-être que les choses auraient été plus simples s’il avait été comme son père, pourvu d’un masque pour dissimuler à la face du monde ses émotions. Cela aurait été plus simple ainsi.

La mélodie continuait de résonner dans sa tête, plus encore lorsqu’il se surprenait à poser son regard un peu plus intensément sur Lyanna pour la comprendre, mieux la cerner, car de toute évidence, elle n’était plus qu’une étrangère et il en était de même pour lui. Comment en étaient-ils arrivés là ? Une question qui revenait fréquemment depuis leur première confrontation, il y a de cela quelques mois. D’ailleurs, pourquoi ne se l’était-il pas posée plus tôt ? En vingt-trois ans, ce ne sont pas les occasions qui ont manqué. Alors pourquoi maintenant ? Karl, visiblement incapable de s’expliquer, attrapa la tasse si « gracieusement » offerte et tenta d’en savourer la mixture. Il n’avait rien contre le whisky, mais aurait préféré le déguster autrement qu’avec un café trop amer. Mais n’étant pas là pour jouer les critiques, il se contenta de ce qu’il avait et reporta son attention sur Lyanna et l’une des principales raisons de sa venue.

« — Je t’arrête tout de suite. Je ne suis pas là pour te rendre responsable de quoique ce soit. Comme tu l’as dit, notre… Zephyr fait ses propres choix et s’il ne veut pas me voir, je n’aurais qu’à l’accepter. C’est lui et lui seul qui décide. » Encore heureux, vu la relation qu’il avait avec Tyler, Karl se voyait mal imposer quoi que ce soit. Il n’était pas le père idéal, même avec la meilleure des volontés. Son père ne lui ayant point offert la tendresse qu’un enfant est en droit d’attendre, Karl — incapable de savoir comment se comporter avec son propre fils — avait tristement répété le schéma, à ceci près que la mort de la mère de Tyler n’avait pas rapproché le garçon de son père. Karl aurait pourtant aimé se rapprocher de son fils — comme son père l’avait si bien fait, à l’abri des regards, vingt ans plus tôt — mais fut tout bonnement incapable de le consoler et de trouver les mots justes, lui qui n’avait jamais aimé cette femme qu’il avait pourtant prise en noces. Il s’en voulait encore, Ty aussi de toute évidence, mais il fallait passer à autre chose.

Lyanna acheva d’écrire sur le post-it qu’elle venait d’attraper puis elle tendit le petit carré de papier à son interlocuteur, qui hésita un court instant avant de s’en saisir et d’observer le numéro qui venait d’être inscrit. « — Je l’appellerai. » Il prit une grande inspiration avant de souffler longuement. « — Je serai un peu gêné, mais je le ferai. » Gêné par ce nouveau rôle dont il était affublé, mais plus encore gêné par le souvenir de leur dernière rencontre, où il était, somme toute, dans une fâcheuse posture, pantalon sur les genoux.

« — Un peu explicite ? Tu plaisantes ? Il aurait presque fallu tout flouter tellement c’était explicite. » Il se surprit à sourire, presque à rire, alors que déjà Lyanna Johnston laissait son regard se perdre sur la fenêtre pour se défaire du regard perçant de Fitz qui ne s’en offusqua pas, au contraire, ça l’amusait de la voir utiliser de « vieilles techniques » pour laisser entendre des demi-vérités. « — Le “inconsciemment” était de trop, non ? » Il se sentait curieusement mieux, plus léger, comme si le simple fait de se défaire de toute cette animosité qu’il éprouvait à l’encontre de la sorcière lui faisait du bien, autant que le sourire qu’elle venait à nouveau de laisser paraître après avoir trouvé le courage de croiser son regard.

« — La modération ce n’était pas notre truc », renchérit-il avant de sentir une profonde nostalgie le saisir au moment où Lyanna le questionnait. « — J’avais l’impression que rien de mal ne pourrait arriver. C’était agréable, sécurisant et l’on pouvait se permettre d’être naïfs peut-être ou juste nous-mêmes sans concession. Mais j’étais heureux, vraiment très heureux et ça me manque de ne plus ressentir ne serait-ce qu’une part infime de ce bonheur. »

Presque de concert, ils laissèrent échapper un soupir et tandis que Lily s’empressait de vider sa tasse, Fitz posa la sienne, incapable de boire plus. La boisson donna toutefois plus d’audace à la sorcière qui se lança la première. Karl, galant de nature, lui laissa la parole sans la couper. Que pouvait-il faire de plus ? Il ne s’attendait toutefois pas à se sentir aussi mal à l’aise face aux questions et au raisonnement de la régente de White Chapel, et quand son tour fut venu, le sorcier se retrouva subitement incapable de trouver la moindre réponse.

« — Je… » commença-t-il avant d’avaler bruyamment sa salive. « — Oui, il y avait une lettre. Tu m’as écrit une lettre, n’est-ce pas ? » Jadis, cette certitude alimentait une rancune devenue profonde avec le temps, mais désormais le régent peinait à se rappeler le contenu de cette lettre. « — Non… J’ai une bonne mémoire, ça n’a aucun sens. » Il récupéra sa tasse et la vida cul sec cette fois.

« — Je me souvenais encore des mots il y a peu, maintenant plus rien. C’est comme si en passant de plus en plus de temps avec toi, cela disparaissait. » Et soudain, quelque chose lui traversa l’esprit, assombrissant considérablement son regard. « — Tu n’as jamais écrit de lettre, n’est-ce pas ? » Il se prit la tête avant de reprendre là où il s’était arrêté. « — Je n’arrive plus à comprendre. Je t’ai aimé passionnément et j’avais très clairement conçu ma vie avec toi. J’étais prêt à bien des concessions. Je… je ne me reconnais pas. Je n’ai jamais haï quiconque, alors pourquoi toi ? Pourquoi me suis-je mis à te haïr ? Ce n’était pas de la colère, non, j’ai éprouvé de la haine, aussi éphémère soit-elle. Sauf si quelqu’un a fait en sorte d’instiguer en moi cette haine contre toi. »

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@Karl Fitzgerald

Pourquoi fallait-il que tout soit toujours étrange quand elle revoyait Fitz ? Comme si quelque chose en elle lui faisait dire que ce n’était pas normal, qu’elle n’aurait pas dû. Pourtant, il était là, tous deux avaient conscience que désormais, un lien les unissait à nouveau, qu’ils le veuillent ou non, et qu’il était temps pour eux de prendre leurs responsabilités vis-à-vis de ce lien, des responsabilités qu’ils avaient ignoré, bien malgré eux pourtant, depuis bien trop longtemps. Lily était encore un peu sur la défensive, accablée par le poids de la culpabilité. Même si Clayton avait assuré qu’à l’époque, c’était le meilleur choix pour le petit et pour elle, en voyant comment Zephyr avait tourné, la régente s’en voulait. Avec des « et si », on referait le monde, c’est vrai, mais toujours était-il qu’elle ne pouvait s’empêcher de se poser la question de ce qu’il serait devenu si elle l’avait gardé, si elle avait dit la vérité à ses parents… Son coeur se fendait rien que d’imaginer la déception dans leur regard, le jugement dans celui de tout le monde, mais Zephyr, lui, aurait eu sa vraie famille, peut-être qu’on lui aurait mieux enseigné les bases, peut-être ne serait-il pas sans arrêt celui qui s’attire des ennuis…

Elle venait de conseiller à Karl de l’appeler. Lyanna ne savait pas quel genre de figure paternelle avait eu le jeune sorcier, mais Fitz avait bon fond, il était doué et intelligent, il ne pouvait donc pas être de mauvais conseil ou être un mauvais exemple, elle en était quasiment certaine. Etrangement, Karl abondait enfin en son sens en répétant que c’était Zephyr qui décidait. Lily ne put réprimer un sourire ironique alors qu’un instant avant, il lui demandait à elle comme la permission de le voir, alors qu’elle n’avait de cesse de dire que la décision revenait au « petit ». Elle décida de se resservir un café, laissant le broc au milieu au cas où Karl en voudrait. Elle s’empara ensuite de la bouteille de whisky pour en mettre un peu dedans. Un bon Irish coffee, voilà de quoi recharger les batteries.

- Ne sois pas gêné, à mon avis, il en a vu d’autres, il sait comment ça marche… Enfin, j’espère…

Voyant le sourire de Fitz, elle ne put retenir le sien.

- Je te cachais en étant sur toi, ne t’en fais pas, il n’a rien vu de ton incroyable virilité, déclara-t-elle avec une pointe d’ironie pour essayer de le détendre.

Le régent de Red House avait remarqué le mot « inconsciemment » glissé dans une phrase qui le mettait en valeur et le souligna. Lily soupira.

- Tu es un bel homme, Fitz, tu vieillis bien, c’est vrai. Il faudrait être aveugle ou lesbienne pour nier que tu es vraiment attirant. Est-ce que c’est mieux ?

Elle aussi se sentait délestée d’un poids, c’était étrange. Comme si discuter avec lui était de moins en moins bizarre. Et reparler de cette époque où ils étaient heureux non plus. Ces trois années de bonheur, d’amour sincère partagé, du moins c’était ce que la brunette pensait avant que la rupture ne vienne les frapper de plein fouet. Karl souligna le manque de modération dans leurs ardeurs passées ce qui sembla les amuser tous les deux.

- Nous étions deux gamins follement amoureux.

Elle aussi était nostalgique, mais le souvenir de toute la souffrance endurée par la suite à cause de la séparation, le stress et l’angoisse en découvrant sa grossesse alors qu’elle devait mener de front sa dernière année à l’académie avec le diplôme à décrocher, avec l’objectif de rester major de promotion… C’était beaucoup. Finalement, la régente réalisa qu’elle n’avait jamais cessé d’avoir de la pression, toute sa vie durant, avec des objectifs les plus hauts possibles, faisant le mieux possible. Fitz avait raison, à elle aussi cette époque lui manquait.

- On ne réalise pas la chance qu’on a quand on est jeune et qu’on a tout l’avenir devant nous. Je voudrais que Zephyr ait cette chance et qu’il la saisisse. N’est-ce pas la meilleure chose qu’on puisse faire pour lui, de le préparer au mieux ? Je ne sais pas qui ont été ses parents adoptifs, mais ils ont probablement manqué quelque chose.

Elle ne jugeait pas, bien trop reconnaissante qu’il ait pu avoir un foyer, mais elle ne pouvait que constater.
Puis, elle voulut savoir. Ces réponses, bien qu’elle se soit convaincue du contraire durant des années à grand renfort de « je m’en fous, ça ne compte plus », elle les attendait depuis longtemps. Que s’était-il passé réellement ? Ils avaient commencé une ébauche de piste lors de leur première rencontre à l’académie, mais ils n’avaient jamais plus pris le temps d’en parler, il fallait dire que les quelques fois où ils s’étaient revus, les circonstances ne s’y prêtaient guère.
Lyanna regarda Karl sans aucune méchanceté, le laissant parler mais secouant la tête.

- Non Karl, je te l’assure, je te le jure sur ce que j’ai de plus cher, je n’ai jamais écrit la moindre lettre de rupture. Quand même, tu me vois faire ça ? Comme je te l’ai dit à l’académie, j’ai toujours su te dire les choses. Si j’avais voulu rompre, je te l’aurais dit en face.

D’où pouvait donc provenir cette fameuse lettre ? A présent délestée de toute mauvaise foi à l‘encontre de son ex, Lily savait qu’il n’aurait pas inventé un tel mensonge pour se dédouaner, il avait l’air sincère et l’était donc forcément. Son explication était étrange mais elle avait la même sensation.

- Moi aussi je… Encore l’autre jour je me souvenais exactement de tout ce que je te reprochais et là… plus rien, comme si… comme si ça n’était jamais arrivé…

Lorsqu’il sembla intégrer réellement l’information qu’elle n’avait effectivement jamais écrit cette lettre, Lily soupira.

- Non Karl, définitivement, non. Jamais. Je ne t’aurais jamais fait ça.

En l’écoutant parler, elle sentit son coeur se serrer. Ils avaient été si connectés, tellement en phase, tellement sur la même longueur d’onde, ils étaient tout bonnement faits l’un pour l’autre à l’époque, alors pourquoi s’étaient-ils mis réciproquement à se détester ? Lyanna sembla réaliser quelque chose, son regard changea, ses yeux s’agrandirent tandis qu’elle se redressait.

- Karl ! souffla-t-elle. Tu vas croire que je suis paranoïaque mais… crois-tu que nous ayons pu être ensorcelés ?

Elle-même tombait des nues en avançant cette hypothèse. Qui aurait bien pu vouloir faire ça à deux gamins ? Surtout l’un d’eux étant le fils de l’un des hommes les plus éminents de Red House, puisque Arthur était à l’époque bras droit du régent en place… Lily reprit une gorgée de son second café avant de poser la tasse et se lever ?

- Ne bouge pas !

Elle rajusta son peignoir et se rendit dans le salon avant d’en revenir avec un grimoire, celui de sa famille que sa mère et désormais elle, complétaient encore de temps en temps.

- Je crois qu’il y a une formule là-dedans à propos des envoûtements personnels.

Elle se mit à feuilleter l’ouvrage presque frénétiquement à la recherche de cette formule qui pourrait peut-être les aider à y voir plus clair.

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@Lyanna Johnston

Si on lui avait dit qu’il se retrouverait « confortablement » installé dans le salon des Johnston, à boire plus de whisky que de café et à tenir une conversation avec Lyanna, Karl aurait sûrement éclaté de rire, tant cela semblait absurde. Et pourtant, il était bel et bien là, à savourer son café imprégné de whisky — un breuvage pas si infâme — et à échanger des banalités avec celle qui avait autrefois embrasé son cœur. Mais voilà que la triste mélodie du passé résonnait encore aux oreilles du régent, assez pour le dissuader de partir. Car au fond, il ne s’agissait pas seulement de lui ou d’elle, mais bien du jeune Zephyr, fruit de leur amour passé. Ce jeune homme maladroit en magie, qui n’avait rien demandé et ne méritait pas d’être entraîné dans une guerre qui ne le concernait pas.

Il fallait donc être responsable, ne serait-ce que pour le bien-être du jeune homme, qui, en plus de sa maladresse évidente, semblait — d’après ce que Karl se rappelait leur première rencontre — doué, bien malgré lui, pour attirer les ennuis auprès des mauvaises personnes. Et puisqu’il ne savait pas se défendre correctement, il pouvait sans effort se mettre en danger. Une perspective inacceptable pour Karl et sans doute encore plus pour Lyanna. Cela leur offrirait un point commun et donc un sujet de conversation susceptible d’atténuer les tensions à venir, si malheureusement la conversation devait continuer sur ce ton. Par chance — car elle persistait encore —, les tensions semblaient peu à peu se dissiper, rendant la conversation étrangement agréable, assez pour la maintenir. Quelques légers sourires prenaient même place sur leurs visages, preuve que les miracles existent.

« — J’espère bien qu’il est au courant, à son âge. Avec tous les moyens mis à disposition pour… » Il s’arrêta, non pas gêné, mais surpris d’en être venu à aborder ce genre de sujet avec Lyanna, et qui plus est, au sujet de leur fils. « — Non, je pense qu’il serait préférable de ne pas approfondir ce sujet. Et ma virilité incroyable t’en remercie. » Lui aussi maniait l’ironie, signe qu’il était maintenant plus détendu, suffisamment pour reprendre une conversation qui ressemblait presque à un flirt inconscient.

« — Je n’imaginais pas que t’entendre me complimenter me flatterait autant. Je pourrais te retourner le compliment, mais il est mal vu de dire à une femme qu’elle vieillit, même si elle le fait plutôt bien, et que cette femme sur qui le temps n’a que peu d’emprise est, je suis forcé de le reconnaître, toujours aussi attrayante, voire plus que dans sa jeunesse. » Là, c’était clair et un observateur extérieur pourrait en témoigner : les deux régents des covens les plus puissants de Los Angeles flirtaient presque sans retenue. Ils ne s’en rendaient sûrement pas compte. Karl, lui, se sentait étrangement léger, bien plus que lorsqu’il avait franchi la porte de Lyanna quelques minutes plus tôt. C’était comme si passer de plus en plus de temps avec elle avait le pouvoir d’apaiser la colère et le ressentiment qu’il nourrissait depuis plus de deux décennies. Ensemble, ils repensaient donc à leurs jeunes années, toujours avec légèreté, alors que jusqu’à présent, depuis leur rupture, le régent de Red House n’avait jamais songé à cela sans amertume.

« — Amoureux, oui ! » Cela semblait logique pour les deux jeunes sorciers qu’ils étaient alors, un amour que Karl n’avait plus jamais ressenti depuis aussi loin qu’il s’en souvenait, et qui ravivait presque aussitôt la culpabilité qu’il ressentait depuis le suicide de son ex-femme. Lyanna se mit alors à questionner son ancien amant, qui parvint, non sans difficulté, à évoquer ses sentiments sur cette période de leur vie, déjà si lointaine. Une période pendant laquelle il avait pourtant connu le bonheur, le vrai, ce qui les amena, tous les deux, à réfléchir à la vie et à la chance qu’ils avaient eues, contrairement à ce pauvre Zephyr, privé de tout, et surtout d’équilibre.

« — J’aimerais, tout comme avec Tyler, lui offrir le meilleur. Je ne suis pas naïf au point de penser que je pourrais rattraper plus de vingt ans de vie, mais comme tu l’as dit, je veux lui donner une chance de s’en sortir, et je suis prêt à faire de mon mieux pour l’aider. J’y arrive bien avec les jeunes sorciers de mon coven, alors je ne vois pas pourquoi je n’y arriverais pas avec notre fils. » Le « notre » était sorti si naturellement que cela ébranla Karl autant que le reste de la conversation qui prit une tournure moins légère. Le flirt n’était plus à l’ordre du jour, contrairement à une multitude de questions auxquelles il fallait répondre. La lettre écrite par Lily refit surface dans la conversation et plus Fitz en parlait, moins il était convaincu de son existence. Il aurait pourtant pu la réciter il y a peu de temps encore, tant il était persuadé de l’avoir lue.

« — Je ne comprends pas, » commença-t-il en déposant sa tasse vide sur la table basse prévue à cet effet. « — Je me souviens presque de la texture du papier, mais les mots se sont effacés, » dit-il, comme si la pluie avait chassé l’encre, laissant la page blanche. La vision était poétique, contrairement à son désarroi grandissant, tandis qu’il fixait son interlocutrice, réalisant presque immédiatement, après plus de vingt ans, que Lyanna Johnston n’était pas le genre de personne à agir ainsi. Elle, qui à l’époque, ne mâchait pas ses mots pour se faire comprendre, n’aurait pas opté pour l’écriture, et donc une forme de lâcheté, pour annoncer à Karl leur rupture.

« — Non, tu… tu n’aurais jamais écrit une lettre pour ça, et pourtant, j’y ai cru tout ce temps. Maintenant, comme toi, mes souvenirs divergent. C’est complètement fou, » conclut-il, sentant son cœur se serrer alors qu’il énumérait les effets d’un sortilège de manipulation dans sa tête. Et tandis qu’il continuait à réfléchir ardemment, Lily laissa entendre une hypothèse à laquelle il adhéra presque immédiatement.

« — Non, tu n’es pas paranoïaque, parce que j’y pensais justement. Ou peut-être que nous sommes tous les deux paranoïaques, » plaisanta-t-elle légèrement avant de revenir à un sujet sérieux et dérangeant pour deux sorciers aussi puissants.

« — C’est… je n’arrive pas à croire que je vais dire ça, mais oui, c’est possible, » admit-il à peine, avant que la régente de White Chapel ne bondisse hors de son fauteuil, en ajustant un peignoir sur lequel Karl se surprit à laisser errer son regard.

« — Mais que se passe-t-il ? » demanda-t-il à voix basse, tout en massant ses tempes blanchies par le temps et l’usure. Heureusement, Lily n’était pas partie bien loin et revint presque aussitôt, les bras chargés d’un grimoire alourdi par le temps et l’expérience de la famille Johnston. Karl possédait également un grimoire, celui de sa mère, mais il ne l’avait pas ouvert depuis bien trop longtemps.

« — Donc, nous envisageons deux sortilèges ? » Les deux anciens amants s’étaient rapprochés sans s’en rendre compte pour chercher ensemble une solution à leurs problèmes, si cela était encore possible.

« — Peut-être. Et je mets des guillemets, tant cela me paraît fou, que quelqu’un a utilisé un sortilège pour falsifier un souvenir. Mais pour que cela fonctionne correctement, il aurait fallu réaliser une potion, ou attendre le moment propice. Attends ! Est-ce que vous avez une liste de sorts liés à Morphée et au sommeil ? Si quelqu’un nous a réellement ensorcelés, cela aurait pu se faire la nuit, pendant notre sommeil profond. À ce moment-là, notre esprit est le plus vulnérable et donc plus facile à manipuler. J’ai déjà vu ça quand je travaillais à la SLAPD, » expliqua-t-il, se rappelant un souvenir qu’il aurait préféré oublier, montrant que les individus ignobles ne se cachent pas toujours sous une apparence honorable.

« — C’était un sorcier, un individu ignoble et défiguré qui s’en prenait aux humains. Il avait une préférence pour les jeunes femmes vivant seules, évidemment. Il les épiait sans relâche et attendait la nuit pour pénétrer chez elles. Il les agressait pendant leur sommeil en manipulant leur esprit de telle sorte qu’elles ne voyaient pas son vrai visage et qu’elles demeuraient consentantes le temps qu’il accomplisse ses méfaits. Tout ça pour dire qu’il utilisait un sortilège pendant leur sommeil. Donc, je suppose que c’était tout à fait possible, comme une sorte d’hypnose, » conclut-il, avant de se taire, se rendant compte qu’il avait trop parlé et que sa tasse était vide.

« — Je crois qu’il me faut une autre tasse, mais sans café cette fois ! » lança-t-il avant de s’enfoncer un peu plus dans le canapé et de se prendre la tête entre les mains.

(c) DΛNDELION

they’re so married right here.

What do you see in me? Hopefully the same thing you see in me - a second chance.

How did our love go wrong

Lyanna & Karl

Without a warning You made our love a lie You said you were sorry But you never told me why

Jamais Lyanna n’aurait pensée pouvoir avoir une conversation aussi calme avec Karl. Surtout une discussion qui sortait du cadre officiel de leurs devoirs et responsabilités respectifs en tant que régents. Il semblait que l’ambiance ce soit considérablement détendue, ils en venaient même à sourire et parfois rire en évoquant le trouble survenu avec l’arrivée de Zephyr dans la chapelle ce soir-là.

- Je n’avais pas ce souvenir de toi aussi prude, lâcha-t-elle avec un sourire en coin tandis que Fitz proposait d’éluder le sujet.

Lily eut du mal à retenir un petit rire ironique à la réflexion de son « invité » du jour.

- Ne t’emballe pas, cow-boy, je dis juste ce qui est, ce n’est pas t’abreuver de compliments non plus. Tu es un beau spécimen mâle, point à la ligne. Quant à moi, je n’attends pas de ta part de… retour de compliment, et ma foi oui je vieillis et je… Quoi ? Tu charries, là ! Comment je pourrais être plus attrayante à quarante-et-un an qu’à dix-sept ans ? Quand on use de flatterie, il faut savoir être cohérent, très cher.

C’eut pu être agréable à entendre, mais Lily n’était pas dupe, elle connaissait ses atouts mais aussi ses faiblesses. Elle lui lança un regard presque suspicieux.

- Est-ce que tu flirtes ?

Puis elle secoua la tête, se surprenant à sourire toujours, comme pour lui dire de ne pas répondre. Ce n’était pas important. Ils n’étaient là pour ça. Le souvenir de leur belle idylle, remarquablement longue pour des adolescents, avait remué quelque chose en elle, et bien qu’elle détestait l’admettre, cette période où ils étaient ensemble et amoureux était sûrement la plus heureuse de sa vie. N’est-ce pas le propre de l’Homme de courir après le bonheur ? Lyanna s’était persuadée depuis toutes ces années, que le bonheur ne résidait pas dans l’Amour, la preuve, c’était à cause de ce sentiment qu’elle avait tant souffert. Comment alors pouvait-on croire en une chose aussi éphémère ? Toujours était-il que de cet amour si fort était né Zephyr qui, aujourd’hui, avait des parents biologiques au courant de son existence, et des personnes haut placées qui plus est, prêtes à prendre leur responsabilité et accepter une trêve dans leur rancœur réciproque. N’était-ce pas beau, en un sens ?

- Bien, nous sommes d’accord. Faisons de notre mieux pour réparer les pots cassés.

Entre les mots « notre fils » de la bouche de Karl fit comme sursauter le coeur de Lily. Pourtant, c’était bien ce qu’il était, ce brave petit Zephyr, un jeune homme adorable que la régente de White Chapel voulait protéger.
Au fil de la conversation, cette fameuse discussion qu’ils avaient enfin consenti à avoir, vingt-quatre ans après leur rupture, les deux sorciers commencèrent à se demander si leur séparation était réellement de leur fait. Karl comprit qu’il n’y avait jamais eu de lettre de la part de Lyanna, qu’elle ne mentait pas en affirmant qu’elle n’aurait jamais procédé à une telle manière pour lui dire les choses. Lily en était sure, au risque de passer pour folle, ils avaient été victimes d’un ensorcellement. Elle fut néanmoins rassurée d’entendre Fitz abonder dans son sens.

La belle brune était partie chercher dans la petite bibliothèque de son salon le grimoire de sa famille qu’elle posa sur le bar entre eux pour commencer à chercher. Cette disposition n’était pas sans rappeler ce doux passé où ils révisaient ensemble pour les examens, s’aidant mutuellement, un tas de bouquins et de feuilles volantes entre eux. Tandis qu’elle tournait frénétiquement les pages de l’ouvrage, ses yeux allant sans relâche d’une page à l’autre, elle écoutait Karl parler de ce qu’il avait déjà vu en terme d’envoûtement. Elle s’arrêta pour le regarder dans les yeux.

- Cette histoire sordide donne froid dans le dos ! J’espère que vous l’avez attraper, cette immonde raclure !

Alors que Karl proposait de reprendre du whisky, Lily replongea le nez dans son grimoire.

- Prends deux verres et la bouteille, il nous faudra au moins ça !

Et puis cette cuisine, il l’avait déjà connue, tant il était venu à maintes reprise avec sa jeune petite amie quand la maison était délestée des parents Johnston. La régente se leva du tabouret du bar.

- Emmène tout ça au salon.

Ils changèrent de pièce, allant s’installer sur le canapé. Au passage, Lyanna attrapa un second livre ancien renfermant cette fois des formules de contre-sort, au cas où ils tomberaient sur une piste dans le premier, puis elle s’installa dans le canapé, croisant les jambes. Karl était revenu avec les munitions, et elle posa le grimoire sur ses genoux pour attraper l’un des deux verres et la bouteille pour servir le contenu dans celui de Karl puis le sien.

- Statim replete, murmura-t-elle en passant sa main au-dessus du verre dont elle ingurgita le contenu d’une traite.

Automatiquement, le verre se remplit, délestant la bouteille du même volume. Elle le reposa sur la table avec son grimoire et se pencha pour ouvrir le tiroir de sa table-basse qui renfermait des runes nordiques. Elle farfouilla avant d’en sortir une avec un symbole ressemblant à un R. Le ràdh. Elle prit la petite pierre dans sa main, s’agenouillant devant le grimoire ouvert, et ferma les yeux pour mieux se concentrer.

- Invenire responsum.

Les pages du grimoire se tournèrent seules, comme poussées par une brise de vent magique, avant de s’ouvrir sur une page. Lily rouvrit les yeux et parcourut, attrapant son verre qu’elle délesta d’une gorgée, sans quitter du regard les lignes qu’elle lisait.

- Les fils de… marmonna-t-elle, visiblement en colère d’avoir raison.

Qui qu’ils soient, elle était extrêmement fâchée après cette ou ces personnes qui avaient osé lui jeter un sort. Qui donc aurait pu se permettre s’ensorceler une gamine ? Et son gamin de petit ami par la même occasion. C’était cruel et diabolique. Mais pour l’heure, ce qu’elle voulait était se défaire de ce qui restait de ce maudit charme. Elle ne supportait pas l’idée de ne pas être elle-même.

- C’est bien ça… Tout acte magique peut-être défait, surtout si c’est un sort.

Elle attrapa le second livre qu’elle ouvrit pour chercher avant de le tendre à Karl.

- Je pense que celle-ci pourrait convenir.

Elle sortit d’autres runes de son tiroir avant de retourner à la cuisiner pour chercher différentes herbes, poudres, ainsi qu’un mortier et un couteau aiguisé avant de déposer le tour sur la table basse.

- On a du boulot, Fitz.

Lyanna disposa les différentes runes autour du mortier avant de disposer un peu de chaque ingrédient dans le récipient et de les broyer avec le pilon.

- Si tu as besoin de sang pour tes sorts, dit-elle en lui désignant la lame. Répète avec moi : depellandam incantatores.

Les mages de sang renforçaient leur magie avec du sang, celui d’animaux, d’humains ou le leur, tandis que les sorciers de magie élémentaires utilisaient plutôt la Nature et sa force ou des artefacts comme les runes ou les cristaux, que Lyanna appréciait pour leur pureté.Elle répéta cette formule plusieurs fois tandis qu’elle broyait les ingrédients. Quand elle parlait, les runes tremblaient un peu, faisant entendre des petits échos de par leur contact avec le bois. Elle reposa le pilon sur la table.

- Je crois que c’est prêt.

Elle déversa une moitié de mixture dans chacun des verres.

- Je garantis pas la saveur, mais ça devrait fonctionner.

La régente attrapa son verre qu’elle entrechoqua dans celui de son rival et ingurgita le mélange whisky-poudre magique d’une traite, espérant que l’efficacité serait immédiate et qu’enfin elle serait libéré d’une quelconque emprise magique présente depuis bien trop longtemps. Elle n’était pas quelqu’un qui haïssait et savoir qu’elle avait détesté toutes ces années ce pauvre Karl qui finalement n’était pas plus coupable qu’elle dans l’histoire de leur rupture, c’était assez insoutenable. Elle voulait désormais aller de l’avant, il le fallait pour Zephyr.

(c) DΛNDELION

Be kind, be strong, never give up. Together, we are powerful.