Points communs

Lyanna Johnston

Au grand dam de Penelope, j’avais repris le chemin du travail. La régence d’un coven ne pouvait être confié indéfiniment à ma chère bras droit, même avec tout son sérieux et tout son investissement, elle ne pouvait prendre ma place trop longtemps. J’avais eu moi aussi cette sensation de boule au ventre les premiers jours de reprise après l’accouchement de Penelope. Une sensation de les délaisser qui avait été plus forte que pour la naissance de Karl. Aujourd’hui, après des mois à avoir repris ma place à Red House, je m’étais pleinement réinvestis dans mon rôle. Peut être trop d’ailleurs, puisque cela m’avait valu un passage à l’hôpital…

Je commençais à bien connaître ma belle fille et consœur Lyanna maintenant. Je savais qu’elle était comme moi à être sur tous les fronts en même temps. Toutefois, même si je savais que ma belle fille était une femme forte, j’espérais que sa grossesse se déroulerait bien malgré la pression d’une régence sur les épaules. Elle avait ses soucis très personnels dont Karl m’avait parlé au sujet de l’alcool et de sa tentative de suicide. Je lui ai promis de ne pas en dire un mot devant Lyanna et de ne pas en parler à Penny non plus. Les discussions père-fils restent entre père-fils, il n’était pas question de laisser échapper quoique ce soit ou de créer des ennuis à Karl.

J’avais donné rendez vous à Lyanna dans ses quartiers. Je craignais qu’en l’invitant à Red House qu’elle puisse être écœurer davantage dans son état par des usages de magie rouge. Les femmes enceintes étaient très sensibles, j’en avais eu la confirmation avec Penny : une odeur, une vision quelconque… Alors si même un bibelot d’un animal ou un livre particulier posé sur mon bureau pouvait donner la nausée à ma belle-fille, je préférais éviter.

14h, j’arriva devant la porte de son bureau pour notre rendez-vous. Je toqua pour annoncer ma présence et attendit qu’elle me permette de rentrer.

« - Bonjour Lyanna, c’est Arthur. Puis-je entrer ? »

D’ordinaire, j’étais toujours heureuse de rencontrer Arthur, en tant que confrère et en tant que beau-père. Même si je ne cautionnais pas le type de magie employée, je parvenais à faire abstraction. Arthur était déjà régent quand j’avais pris mes fonctions voilà seize ans, avant que finalement il ne disparaisse, laissant son fils reprendre le flambeau, à mon grand dam à cet époque. Les temps avaient changé, et malgré nos divergences, Arthur Fitzgerald avait toujours été quelqu’un qui m’inspirait confiance. Jusqu’à cette fameuse soirée où nous voulions discuter un peu en privé mais où des chasseurs firent irruption. Peu avant, quelqu’un lâcha une information loin de me laisser de marbre : Arthur aurait été un mage noir. Si je pouvais déjà difficilement tolérer la magie rouge, la magie noire était quelque chose que je ne pouvais laisser passer. Je voulais en avoir le coeur net et cette fois sans que notre conversation ne soit interrompue. J’avais donc demandé à Brad de bloquer tous mes rendez-vous de l’après-midi pour me consacrer uniquement à mon beau-père et confrère. Nous devions discuter. J’avais aussi demandé à ce que White Chapel soit déserté. Mes sorciers avaient tous joué le jeu, même Bradley avait déserté. Lui semblait bien moins inquiet que moi.
Je terminais quelques tâches administratives, mon gros Ruffus ronronnant sur mes genoux contre mon ventre qui commençait gentiment à s’arrondir, quand l’heure sonna. D’ailleurs, Arthur s’annonça, toquant à la porte. Ruffus grommela ce qui me fit sourire. Je lui grattai la tête et il grimpa sur mon bureau alors que je me levai pour aller à sa rencontre.

- Oui Arthur, entrez.

J’avais déjà la main sur la poignée de la porte pour lui ouvrir.

- Bonjour.

Je me tournai pour me diriger vers le canapé afin de l’inviter à s’installer.

- Merci de vous être déplacé. Vous voulez boire quelque chose? Une infusion, un café?

Je ne proposais plus d’alcool, à personne, parce que c’était une tentation encore trop forte pour moi, j’en avais conscience. Je ne savais pas si un jour ce serait plus facile pour moi de m’en passer, mais pour l’heure, rien que d’en parler, j’en avais des tremblements dans les mains.

- Installez-vous. J’espère que vous n’êtes pas trop débordé, mais j’ai vraiment besoin d’éclaircir certaines choses.

Une fois que j’eus la réponse quant à la boisson que le régent de Red House désirait, je m’employai à la préparation, qui ne prit pas bien longtemps, utilisant ma magie du feu pour chauffer l’eau instantanément. Je rapportai les deux tasses fumantes sur un petit plateau avant de m’asseoir à mon tour.

- Avant tout, donnez-moi des nouvelles de Penny et Eleonore s’il vous plaît.

Karl et moi n’avions toujours pas eu le temps de passer voir sa mère et sa petite sœur. J’avais si hâte.

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Lyanna Johnston

J’ignorais dans quel état j’allais retrouver Lyanna après cette étrange soirée dans le bar ponctuée d’imprévus qui nous avaient dépassés. Cela m’avait laissé pantois ce qui s’y était déroulé là-bas. Des choses intimes avaient été révélées devant tout le monde, des connaissances et proches dont Lyanna, et, même des inconnus. J’espérais la voir surtout en bonne santé, et comme le beau-père avenant que j’étais, j’avais apporter des petites douceurs sucrées, notamment pour ses fringales de femme enceinte.

Lyanna m’ouvrit la porte promptement à mon arrivée. J’entra avec le sourire, mon sachet à la main de viennoiseries.

« - Bonjour Lyanna, je vous ai apporté ça pour vos petites faims. J’ignore vos goûts donc j’ai essayé de prendre un peu de tout, des mini pains au chocolats, pains aux raisins, chouquettes, vous ferez votre choix. »

Je m’installa confortablement sur le canapé où elle m’avait invité à m’assoir. L’observant utiliser sa magie pour préparer les boissons.

« -Je veux bien oui, merci ! Mais je crois que vous connaissez à me connaître sur mes préférences. » riais-je légèrement. « - Ca sera un thé bien fort s’il vous plait. »

La régente revint vers le canapé, me servant ma tasse au passage. Je constatais qu’elle aussi avait pris une boisson chaude. C’était une bonne chose déjà pour elle, et ensuite pour le bébé. Mais je me gardais de faire tout commentaire là-dessus, d’abord parce que cela aurait été déplacé, et parce que cela relevait du problème personnel que Karl m’avait raconté de Lyanna.

« - Merci pour le thé, je vois que votre magie n’est pas impactée par votre grossesse. Je me posais la question justement si cela pouvait avoir un impact dessus.
Penelope s’est plutôt bien remise physiquement. Elle toujours à s’occuper de tout à la maison, de ses plantes et herbes et d’Eleonore. J’aimerai beaucoup vous inviter à venir nous voir à la maison. Cela ferait du bien à Penelope d’avoir de la visite. Je pense que le temps doit lui paraitre long parfois avec un quotidien de jeune mère, alors vous voir lui ferait extrêmement plaisir. »

J’occultais volontairement mon récent passage à l’hôpital pour le moment. Je savais que Lyanna le saurait par Karl ou par moi, mais je ne voulais pas l’inquiéter comme j’avais inquiété Karl. Elle avait déjà beaucoup de pressions sur les épaules, alors je restais sur les nouvelles positives pour le moment.

« - Et vous ? votre grossesse se passe bien ? Comment vous sentez vous depuis notre étrange soirée après la visite des chasseurs ? »

Arthur était si prévenant, j’avais du mal à croire que ce sorcier puisse être affilié à la magie noire. Pourtant, cette information qui avait filtré lors de notre soirée à Old Spirit Place n’avait eu de cesse de me hanter. En y réfléchissant, cela pouvait coller, Arhtur avait subitement disparu pendant des années, laissant à Karl la régence de Red House, puis était revenu comme une fleur, et comme par hasard, quelques mois après, le coven Obscurus émergea, faisant fit des lois des sorciers. Un coven de magie noire, carrément! Alors que la simple pratique de cette magie était interdite! J’en avais froid dans le dos. Déjà que la magie rouge me débectait à cause des sacrifices d’animaux, songer que certains procédaient à des sacrifices humains me rendait folle de rage, surtout en pensant à mon pauvre Zephyr qui avait péri sous nos yeux, à Karl et moi, pour une telle pratique.

Mon beau-père m’avait rapporté des pâtisseries. C’était si gentil de sa part. Je les offrirais sans doute à mes sorciers, puisque d’après ce qu’il décrivait, elles devaient contenir des produits laitiers et des œufs. A moins que Ruffus ne se jette dessus en cachette… D’ailleurs, le voilà déjà de retour à se frotter contre le régent de Red House.

- Merci Arthur, c’est très gentil.

Ruffus! Arrête! On sait pas encore la vérité.
Mais il a de la bouffe.

Je soupirai. Finalement, je l’invitai à s’asseoir et préparai son thé comme il l’aimait. Pour moi, c’était plutôt infusion à la pomme. La couleur était si proche de celle du whisky, cela me fit soupirer intérieurement une nouvelle fois.
Nous voilà assis tous les deux face à face, je demandai des nouvelles de ma belle-mère et ma… belle-sœur. C’était si étrange de dire cela d’un nourrisson. Je fus ravie d’apprendre qu’elles allaient bien.

- Ma magie se porte comme un charme, pourquoi en aurait-il été autrement ?

L’idée d’avoir moins de puissance me fit soudain peur, comment pourrais-je protéger mon coven si j’étais affectée par ma grossesse?

- Karl et moi serions ravis d’aller voir Penny et Eleonore, il faudra juste nous dire quand, nous ne voudrions pas déranger.

Je bus une gorgée d’infusion et reposai ma tasse quand Arthur me demanda comment j’allais.

- Tout va bien, ne vous inquiétez pas. Mais puisque vous parlez de cette fameuse soirée, j’aimerais justement vous en parler. Ce qui a été dit sur vous m’a profondément inquiétée pour ne rien vous cacher. Je veux savoir la vérité, Arthur. Êtes-vous un mage noir ? Vous ne sembliez pas démentir l'accusation, alors je me pose la question.

J’étais franche, je l’avais toujours été, il le savait. Surtout pour des sujets important. Pour cela, mon bras droit et moi nous nous ressemblions beaucoup. Ruffus était revenu s’asseoir à côté de moi et fixait lui aussi de ses grands yeux bleus mon beau-père.

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Lyanna Johnston

Je trouvais la sorcière blanche bien courageuse. Gérer son coven, sa vie personnelle et ses problèmes d’alcool qui la hantaient, était la preuve, une fois de plus que Lyanne était une femme incroyablement forte. Depuis toutes ses années que je la connaissais, je n’avais jamais eu à douter de son sérieux et son engagement pour son coven. Aujourd’hui, je voyais davantage toute la ténacité qu’elle avait pour ses sorciers, malgré tout ce qu’elle avait sur les épaules. Je la trouvais tout simplement exemplaire en tant que régente. Je n’étais pas du genre à penser que les sorcières étaient moins capables que les sorciers, au contraire j’étais presque en admiration face à celles qui géraient leur maternité comme le faisait Lyanna et leur vie professionnelle si remplie.

J’espérais faire plaisir à ma belle fille en apportant des douceurs. Je lui laissais l’occasion de les découvrir quand elle aurait faim dans la journée, pour le moment elle les posa sur son bureau. Je la retrouva enfin face à moi une fois qu’elle fut installée sur le canapé devant moi, chacun sa tasse à la main. Mon thé encore brulant, ce que j’appréciais, sentait délicieusement fort. Je ne tarda pas à tremper mes lèvres et prendre de petites gorgées bien chaudes.

« - Je demande cela parce que je m’interrogeais si la grossesse des sorcières n’était pas trop énergivore en dépend de la magie. Je n’ai pas vraiment idée de si cela avait un quelconque impact. Je sais qu’il est arrivé que des sorcières de sang aient eu une aversion envers le sang, ou bien encore la simple idée que de tuer des animaux les rebutait pendant leur grossesse, de ce fait elles useaint moins de leur magie pendant quelques temps. Mais je suis conscient que cela ne veut pas dire qu’elles sont plus vulnérables pour autant. »

Je repris quelques gorgées, très lentement pour ne pas me bruler. Discuter autour d’un thé de la famille avec Lyanna était appréciable. Nos conversations tournaient souvent autour des problèmes d’insécurité et des montés en puissance de mages noirs d’Obscurus.

« - Vous pouvez nous rendre visite le prochain weekend où vous êtes disponibles ? J’en parlerai à Penelope dès ce soir. »

J’écouta ensuite Lyanna, son inquiétude vis-à-vis l’étrange soirée dans le bar. Je comprenais que ce qu’elle avait entendu de moi ce soir-là l’avait profondément troublée voire choquée. Elle n’y allait pas par quatre chemins comme à son habitude.

« - Vous avez le droit de savoir la vérité Lyanna. »

Je posa ma tasse sur la table. Je prenais un ton un peu plus grave.

« - J’ai été un mage noir, j’insiste bien sur le fait que c’est du passé. J’ai tourné la page de sombre expérience et ce passage de ma vie. Aujourd’hui, je suis un sorcier rouge. Jamais plus je ne referai marche arrière et n’utiliserai aucun sortilège, aucune potion ou quoique ce soit qui se rapporterait à ce type de magie. Je m’interdits et interdirais à tous sorciers de Red House de vouloir s’en servir. »

Je regardais Lyanna droit dans les yeux. Je me doutais qu’elle s’interrogeait bien au-delà de mon début d’explication.

« - Je suis libre d’en parler avec vous sur ce passage de ma vie. Je sais que ce n’est pas anodin, que cela peut vous inquiéter. Si vous avez des interrogations, je suis prêt à répondre Lyanna. »

Mes doutes et mes craintes par rapport à mon beau-père me tiraillaient. J’étais une femme prudente d’autant plus que j’avais sous ma responsabilité toute une communauté, et à présent j’avais la vie du bébé qui grandissait en moi à gérer. Et il était hors de question que ma petite Charlie puisse être en danger ne serait-ce qu’une seconde. J’avais déjà perdu Zephyr dans des circonstances atroces, je culpabilisais suffisamment de n’avoir pas su le protéger, à tel point que j’avais sérieusement envisagé de mettre fin à mes jours. J’avais demandé à Jordie de me mordre et boire mon sang jusqu’à ce que mon coeur s’arrête de battre, j’avais tout organisé, laissant des lettres à mes plus proches, Karl, Elisabeth à qui je comptais confier White Chapel, Brad pour qu’il la seconde comme il le faisait si bien avec moi depuis dix-sept ans. Ce que j’avais mal calculé, c’était le fait que l’un d’eux lise la lettre avant le petit matin, et qu’ils parviennent tous trois à nous retrouver pour empêcher Jordie d’aller jusqu’au bout. Finalement, ils avaient eu raison. Je m’étais reprise en main avec l’aide de mes amis, et avait ma grossesse, ce qui avait donné un nouveau sens à ma vie. Karl était alors revenu de son exil en Irlande et nous nous étions réconciliés.

- Il est certain que je suis plus fatiguée, mais je tâche de ne pas me surmener, Bradley y veille, assurai-je avec un léger sourire.

Poliment, j’acceptai l’invitation du régent de Red House à venir visiter la mère de Karl ainsi que la petite. Mais ma réelle présence dépendra des réponses que m’apporterait Arthur.

- Pour moi, oui, les week-ends nous ne travaillons pas, sauf cas d’urgence, comme vous j’imagine. Pour Karl, il faudra voir avec son horaire.

Je soupirai intérieurement. Je détestais le fait qu’il travaille à la SLAPD. Trop de risques, sans parler du fait que ses horaires étaient horribles, fut un temps, nous ne nous voyions que rarement car il rentrait extrêmement tard et moi, je tombais de fatigue avec mes journées à White Chapel.
J’entrai finalement dans le vif du sujet, la question qui le brûlait les lèvres : mon beau-père était-il un mage noir? Il semblait enclin à me répondre poliment, après avoir reposé sa tasse. Il me vint alors une idée.

- Encore heureux que vous l’interdisiez, ne pus-je m’empêcher de rétorquer, puisque c’est illégal et sévèrement puni.

Je soufflai bruyamment, sentant mes émotions me submerger. Moi qui abhorrais les mages noirs, qu’ils soient passés, présents ou futurs, en voilà un devant moi, et je ne pouvais même pas le faire brûler puisqu’il s’agissait de mon beau-père. La colère m’envahissait et je me levai soudainement.

- Bien, puisque vous semblez enclin à l’honnêteté, vous ne verrez pas d’inconvénient à prendre une potion de vérité dans votre thé?

Je me rendis vers une importante armoire en bois massif verrouillée par un sort que j’avais inventé.

- Basem, murmurai-je en posant ma main sur la poignée.

Un son se fit entendre et je pus ouvrir la porte. Je sortis plusieurs fioles contenant divers ingrédients. J’en mélangeai certains dans un bécher vide, prononçant quelques formules, avant de me tourner vers mon beau père pour lui tendre le contenant transparent, un regard très sérieux braqué sur lui.

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Lyanna Johnston

Ma foi en les lois de la pratique étaient plus que claires aujourd’hui : plus aucune utilisation de magie noire. Cela valait pour moi, mais également pour toutes mes consœurs et tous confrères du coven de Red House chez qui je ressassais fermement ce principe fondamental à l’utilisation de la magie qu’aucun ne devaient déroger. J’étais un homme ouvert d’esprit grâce à mon passé, les sorciers qui usaient de la magie blanche alors qu’ils avaient prêté serment à Red House n’étaient pas rejetés, je n’ignorais pas que certains d’entre eux n’avaient d’autre choix que de choisir de se tourner à Red House, comme dans un cas de mariage entre un sorcier de sang et le partenaire un sorcier élémentaire. J’étais conscient d’être vu comme un régent complaisant pour accepter tant de diversités, mais ceci n’était pas au regard d’une culpabilité que je pouvais avoir d’avoir moi-même pratiquer la magie noire.

Je savais que mes pratiques ne plaisaient pas à tout le monde et ce n’était pas la régente de White Chapel que j’avais devant moi qui pouvait me dire le contraire. Lyanna était intransigeante sur l’usage de toute magie hors magie élémentaire, ce qui poussaient certains sorciers à faire des choix qui n’étaient pas en accord avec leurs convictions.
Par ailleurs, bien qu’elle connaissait mon point de vue actuel et mes positions concernant la magie noire, je m’apercevais que la régente était presque mortifiée sur place à me voir affirmer ce qui devait être une évidence, à savoir l’interdiction d’user de magie noire au sein du coven.

« - Je le sais aussi bien que vous Lyanna » répondais-je d’un ton grave mais calmement.

Je sentais la tension monter entre la régente de White Chapel. Je ne pouvais pas infirmer que les hormones de grossesse n’agitait pas la sorcière, quand bien même, la sorcière éprouvait le besoin de savoir qui j’étais autrefois et ma relation avec la magie noire. Je la voyais soupirer, puis se lever soudainement. Elle m’invita fortement à prendre une potion de vérité sur le champ. A mon tour, la tension montait. Je n’étais pas au stade de la colère, mais j’avais une pointe d’agacement et j’étais de plus fortement déçue de sa part.

« - Vous n’êtes plus sûre de la véracité de mes propos Lyanna ? Vous me traitez comme un suspect qui aurait commis un crime. » demandais-je avec un ton bien plus sec.

Je me leva à mon tour et pris la potion de vérité qu’elle venait de concocter. Je la déversa dans mon thé qui avait eu le temps de refroidir depuis. La potion se mélangeait rapidement à la boisson, elle ne changeait aucunement le goût ni la couleur du thé. Je bu mon thé devant Lyanna, lui montrant ma bonne volonté de me soumettre à son caprice. Si ce n'était pas ma belle-fille, jamais je n'aurai accepté ce que j'aurai considéré comme un affront.

« - Voilà, je vous écoute maintenant Lyanna. »

Après tout ce que le monde des sorciers, mon coven et plus particulièrement ma famille avaient traversé, j’étais intransigeante sur la sécurité et le respect des règles. Plus encore que j’avais pu l’être dans le passé. J’avais eu mon lot de drames et je voulais à tout prix en éviter davantage, d’autant plus que j’étais responsable dorénavant de la petite vie qui grandissait en moi. Cet enfant représentait une seconde chance pour moi, de rattraper mes nombreuses erreur avec Zephyr, et d’amoindrir peut-être par ce biais ma culpabilité… même si je n’avais pas conscience tout à fait de ce détail.

Déjà que d’ordinaire j’avais du mal avec la magie rouge que je considérais comme barbare du fait du sang des animaux sacrifiés pour booster la puissance magique, moi qui appartenait à une famille qui respectait la vie sous toutes ses formes et accordait donc autant d’importance aux animaux qu’aux humains. Ma famille était végétalienne depuis des générations et nous étions d’autant plus proches de la Nature, ce qui conférait notre magie blanche une certaine puissance, car non pervertie par la mort et la putréfaction que d’autres ingéraient dans leur alimentation. Bref, je pratiquais une magie en adéquation totale avec mes convictions.

Aussi, entendre parler de magie noire avec ce que j’interprétais comme de la légèreté de la part de mon beau-père et confrère me hérissait passablement, surtout que mon fils, son propre petit-fils, avait été sacrifié pour un rituel de ces abjectes sorciers qui ne méritaient même pas qu’on les qualifient de même. Il disait interdire et savoir que les lois proscrivaient l’usage de la magie noire, mais ce n’était pas suffisant pour moi. Mais qu’attendre de plus de la part d’un homme qui reconnaissait avoir plongé dans cette horreur? J’étais en colère, malgré que je contenais mes émotions au mieux, étant habituée avec les années de régence de coven, à ne laisser paraître qu’une statue de marbre face aux situations les plus complexes… Mais ma grossesse rendait l’exercice parfois plus difficile néanmoins.

J’avais besoin de certitudes, j’avais besoin d’être rassurée et n’étant pas d’une nature à faire confiance aveuglément, je voulais m’assurer de ce qui me serait dit par Arthur. Aussi le mis-je au défi de boire une potion de vérité que je venais de concocter devant lui, une formule que j’avais moi-même mise au point et qu’il n’aurait ainsi pas le temps de contrer. Je vis bien que mon beau-père n’apprécia pas l’entreprise et sa réaction me tira un rire ironique.

- Un suspect qui aurait commis un crime? Mais c’est ce que vous êtes, Arthur, ne vous en déplaise! Pour entrer dans la magie noire, vous avez forcément dû prendre au moins une vie. Dieu seul sait combien de personnes vous avez occises. Alors oui, partant de ce postulat, vous avez été un criminel. La vérité fait mal, mais c’est ce qu’elle est, rétorquai-je calmement malgré la colère qui commençait à rosir mes joues sous le maquillage.

Bras croisés et à bonne distance à présent, je l’observai boire la potion qu’il avait versée dans son thé. Au moins, il obtempérait.

- Merci de coopérer. Je veux savoir quand vous avez… commencé. Pourquoi. Combien de personnes vous avez tuées, si vous vous en rappelez. Quand avez-vous décidé de raccrocher et pourquoi. Si vous avez connaissance de sorciers noirs ici à Los Angeles. Si oui pourquoi ne pas les dénoncer. Est-ce que Penelope le sait… ce que vous avez été… Et… Karl?

Cette dernière question me brisait le coeur, parce que si effectivement Karl le savait et ne m’avait rien dit, je prendrais cela comme de la trahison. Mais j’étais intimement persuadée qu’Arthur avait voulu préserver son fils en lui cachant cette odieuse vérité. Je l’espérais.
J’avais conscience d’avoir bombardé de questions mon rival, mais je n’avais pas le choix, je voulais tout savoir, je refusais d’être laissée sur le carreau, je devais savoir, ces informations me paraissant vitales pour la sécurité de tout un chacun. Et à présent qu’Arthur avait ingéré la potion qui avait un effet immédiat aussitôt qu’elle touchait les muqueuses buccales, il n’aurait d’autre choix que de me dire la vérité.

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Lyanna Johnston

Après toutes ces années, jamais je n’aurai pu penser que Lyanna Jonhston agirait de cette façon avec moi. Elle avait été d’abord l’amie, puis rapidement la petite amie de Karl durant l’adolescence. Ensuite elle était devenue une consœur à la tête du plus grand coven de magie blanche de Los Angeles, White Chapel. Tant d’années où nos relations et nos échanges avaient toujours été dans la sincérité. J’estimais Lyanna depuis que je la connaissais : une étudiante brillante et consciencieuse, elle excellait dans énormément de domaines, choses qui m’impressionnaient particulièrement surtout lorsqu’il fallait faire ses preuves à l’académie. Karl en savait quelque chose, j’avais été particulièrement rude à cette période de sa vie. Quand bien même il avait lui aussi brillé dans beaucoup de domaines, ce n’était jamais assez.

Cette lubie de vouloir que mon fils puisse devenir un sorcier accompli venait du simple fait que j’avais travaillé dur au même âge. Certes, je n’avais pas été sur la bonne voie en devenant un sorcier noir, ça n’avait pas été un choix en connaissance de cause puisque j’ignorais tout du monde surnaturel jusqu’à ce que je le découvre à mes dépends. Une occasion s’était présentée, une rencontre avec une secte de mages noirs. Ce n’était pas la meilleure rencontre de ma vie mais c’était la seule voie qui s’était ouverte à moi et m’avait permis de comprendre qui j’étais réellement et d’apprendre à utiliser mes dons.

Ce thé pris en compagnie de la régente laissera un souvenir amer de mon passage à White Chapel. Je savais qu’elle avait des doutes sur moi. Je la connaissais à force et je savais qu’elle ne pensait pas à mal en ayant user de la magie pour me faire parler. Mais malgré tout, le geste me vexait, qu’elle puisse penser que je pouvais lui cacher la vérité m’offensait.

« - En effet, je ne cache pas mes anciens agissements, je ne peux pas avec votre potion et en aucun cas je ne l’aurai fait Lyanna. Je pensais que vous le sauriez, depuis le temps, j’ai toujours répondu à vos questions avec sincérité. Mais qu’importe, continuons… » lançais-je amèrement.

J’écoutais ensuite les multiples questions. Je comprenais en la voyant qu’elle devait avoir tout cela qui pesait sur sa conscience depuis un moment. L’effet de la potion faisait que je ne pouvais pas contourner ou modifier mes réponses.

« - Tout d’abord, j’aimerais que vous puissiez comprendre que ça n’a pas été un choix en toute conscience que de prendre cette voie. A cette époque, il faut voir en moi un jeune gamin qui n’avait plus de famille, j’entends par là plus de mère ni de père qui m’acceptait après avoir découvert que j’étais un sorcier. J’ai désespérément chercher comment survivre et c’est là qu’une secte de sorciers de magie noire m’a trouvé, aussi fragile et naïf que je pouvais l’être. Sans connaitre mes autres possibilités, j’ai accepté de rentrer dans la secte pour comprendre qui j’étais et trouver une nouvelle famille. Evidement j’ai trouvé le sacrifice odieux. Imaginez un gamin de 13 ou 14 ans devoir se plier à cela, c’est tout bonnement abominable. Mais j’ignorais tout bêtement que j’avais le choix en d’autres magies… voilà comment tout a commencé. »

Je m’arrêtais quelques secondes, buvant un peu d’eau que je m’étais servi. C’était un moment difficile que de ressasser ce genre de souvenirs.

« - Je ne pourrais pas vous donner un nombre exact de vies que j’ai ôtées, seulement un nombre approximatif, car j’ai laissé certaines créatures à leur sort après leur avoir lancé un sortilège de torture. Je pense que quelques-unes ont dû succomber après coup. Mais pour vous dire un nombre, je dirais entre quinze et vingt. Je n’ai pas de souvenirs particuliers de ces créatures, ce que je peux vous dire c’est que c’étaient essentiellement des lycans. »

J’avais croisé mes doigts, me replongeant dans d’affreux souvenirs. Je remuais quelque chose qui me faisait honte, ce côté sombre que j’abhorrais de moi.

« - Je suis sorti de cette secte à l’aube de mes 19 ans. Le régent de Red House ainsi que Matthew sont venus me délivrer de cet enfer, qui pour moi à l’époque n’en était pas un, aveugle et naïf que j’étais. J’ai découvert la magie de sang à ce moment et j’ai compris que je m’étais trompé et qu’on m’avait trompé depuis le début.
Quant à savoir s’il y a des sorciers noirs ici à Los Angeles… vous avez vu comme moi la montée du coven de mages noirs. Je sais que Matthew Crawford traine dans les parages, il a agressé Penelope alors qu’elle était enceinte. Il y a également Auguste Lockwood qui est un sorcier au sombre passé que nous avons croisé à Los Angeles, cela ne m’étonnerait pas qu’il fasse parti d’un coven de mages noirs, mais à part des rumeurs à son sujet et mon ressenti envers lui je n’ai pas de preuves tangibles de son allégeance envers un coven de magie noire, je ne peux pas donc pas le dénoncer. »

Je repris une gorgée d’eau, commençant à être lassé par la situation. Je n’avais d’autres choix que de continuer à répondre.

« - Penelope sait tout de ce que j’ai fait, qui j'ai été. C’est mon épouse et j’ai été sincère avec elle dès le départ. Et pour Karl, il l’a appris lorsque Penelope a été enfermée dans cette maudite bague par Matthew. Il est au courant de tout, peut être pas dans les détails mais il sait l’essentiel… »

Je levais mon regard vers Lyanna qui était restée éloignée de moi. Je me levais pour me dégourdir un peu, mettant les mais dans le dos, je me sentais accablé par cet interrogatoire. J’étais à la fois lourd et vidé, même si j’avais la vague impression que ce n’était peut-être pas terminé pour autant.

Avoir à traiter mon beau-père comme un suspect aurait pu m'émouvoir, susciter en moi quelques hésitations peut-être, mais il n'en était rien. J'étais en quête de réponse et je le traitait comme n'importe lequel des sorciers qui croisait ma route de régente et qui aurait quelque chose à se reprocher. Arthur, égal à lui-même, n'avait pas un mot plus haut que l'autre et consentit à prendre la potion de vérité, non sans des propos ayant peut-être pour but de susciter ma pitié pour ma culpabilité. Mais cela ne fonctionnait pas je restais ferme, je voulais protéger ma famille et mon bébé à naître.

- Toujours est-il que je n'apprends qu'aujourd'hui de votre bouche que vous êtes... Avez été un mage noir. Vos prétextes ne fonctionnent pas. Nous avons été confrères pendant quelques années avant que vous ne laissiez la place à Karl, la moindre des choses aurait été de m'avertir. Pour la sincérité, on repassera, commentai-je, acerbe.

La suite de l'entrevue consista en une multitude de questions de ma part. J'avais un besoin irrepressible de réponses après tout ce qui s'était passé en ville.
Arthur se livra au récit de son histoire. Il avait été enrôlé si jeune, adolescent découvrant à peine ses capacités magiques, et des mages noirs lui avaient mis le grapin dessus. C'était odieux. Il n'y avait pas de mots. J'eus un haut-le-cœur imaginant ce jeune adolescent devoir sacrifier un être humain. Je dus fermer les yeux une seconde et détourner le regard en prenant une inspiration pour me calmer.

Pendant ce temps, mon confrère répondit à mon autre question concernant le nombre de personnes qu'il avait occises. Une quinzaine voire une vingtaine. En l'espace de seulement cinq ans. J'étais abasourdie par ce que j'entendais, essayant tant bien que mal de garder mon stoïcisme, mais c'était difficile. J'étais si en colère, si dégoutée par ces pratiques.

La suite du récit ne me plut guère davantage. Il cota Matthew et m'apprit qu'il avait agressé Penelope. Ma colère grandit, je fronçai les sourcils.

- Le salopard... soufflai-je.

Non content de l'avoir tuée voilà des années et enfermé son esprit, il recommençait... Comment se faisait-il qu'il n'avait pas encore été arrêté par la SLAPD ? Il me faudrait en toucher mot à Karl. Arthur cita ensuite Auguste Lockwood. Je pâlis. Ce sorcier vivait en face de chez moi, littéralement... Et j'avais couché avec lui. Aussi.

- Auguste... Lockwood... Vous êtes sûr ?

Cette conversation me mettait à mal bien plus que je ne l'aurais cru. Mais le coup de grâce restait à venir. La pauvre Penny savait, bien sûr, pour son mari. Cela semblait normal. Mais Karl ? Arthur laissait entrevoir qu'il était au courant. Les bras m'en tombaient. Avais-je mal compris ? Le père du bébé que je portais m'aurait caché cela ?

- Êtes-vous en train de me dire que Karl savait pour votre passé de mage noir et qu'il ne m'en a jamais touché mot ?

Là, impossible de rester stoïque, ma colère transparaissait sur mon visage et dans le ton de ma voix. Je vis Arthur se lever et, sur mes gardes, j'en fis de même, laissant entre nous le sofa et la table basse. Les larmes me montaient aux yeux, foutues hormones, j'étais incapable de me maîtriser.

- Vous rendez-vous compte de ce que vous me dites ?

Dans le plus grand des calmes en plus, comme si c'était normal... J'étais excédée. Je ne savais plus que penser.

Points communs

Lyanna Johnston

Il devenait difficile de garder mon calme après toutes cette multitude de questions. Lyanna ne me pensait pas assez honnête pour m’exprimer sur ce sujet délicat sans avoir eu recours à une potion, chose qui m'avait vexée de sa part. Remonter dans mon passé sombre était difficile mentalement parlant, beaucoup de ressentiments enfouis en moi se mélangeaient depuis des années. J’évitais d’en parler de moi-même pour ne pas à avoir à me replonger dans ces ténébreuses années dont j’avais honte.

« - Je vous invite à me poser toutes les questions que vous voulez Lyanna, de toute évidence c’est le moment, je ne pourrai pas être plus sincère… Vous savez, ce n’est pas que quelque chose que je voulais vous cacher. J’occulte simplement le sujet car c’est mentalement éprouvant pour moi de repenser à ce que j’ai fait. Mais ça, peut être que cela ne vous a pas traversé l’esprit ? »

Je commençais réellement à en avoir assez de son attitude hautaine et puérile, je montais clairement le ton. Je ne pouvais lutter contre les effets de la potion mais qu’importe je n’avais rien à cacher comme je lui avais expliqué plusieurs fois.
Je vis ensuite mon interlocutrice déconcertée par les différentes révélations que je lui délivrais sur les différents sorciers que je savais ou soupçonnais d’être des sorciers de magie noire. Cela m’étonnait qu’elle ignorât que Lockwood faisait parti de la liste des suspects.

« - J’en mettrai ma main à couper. Pour moi, la mort de ses parents n’a jamais été un accident. J’étais sur les lieux Lyanna et j’ai clairement senti de la magie noire, il n’y a pas l'ombre d'un doute. Il sait que je suis au courant et il cherche à jouer avec moi depuis la soirée d’Halloween où nous l’avons croisé Penelope et moi. Il m’a menacé de s’en prendre à elle… Bref, ce sorcier n’est nul autre qu’un sorcier dangereux, je peux vous l’assurer. Je vous met en garde contre lui, il est très malin. »

J’affichais un visage fermé, bien différent que celui que j’avais en arrivant. Lyanna profitait de l’effet de la potion pour me faire partir dans toutes les directions.

« - Je ne peux pas répondre à la place de Karl. J’ignore si vous avez eu une discussion à ce sujet, je ne lui ai jamais donné d’indication de démentir quoique ce soit. Il n’a sans doute pas voulu vous mettre dans l’état dans lequel vous êtes actuellement. J’entend bien que vous tombiez des nus, que je ne vous semble pas avoir été assez courageux et franc pour vous en parler de moi-même, plutôt que de le découvrir malencontreusement de cette manière. Mais sachez que je regrette infiniment cette période, que si je pouvais tout recommencer je le ferai. Malheureusement je ne peux le faire, je vis avec, avec cette honte, cette haine, cette peur de moi-même. Car oui, j’ai été un sorcier noir il y a longtemps, qui a tué et torturé. Qui n’aurait pas peur de soi-même quand on sait qu’on a pu être un tel monstre un jour ? »

J’avais répondu avec hargne, laquelle je n’avais pu contenir. Je m’étais levé pendant ma prise de parole, je l'avais fusillée du regard. Je lui en voulais amèrement d’avoir remué tout cela. Je m’étais ensuite disposé près de la cheminée de marbre, accoudé dessus et la main contre mon front, les yeux fermés sous cette dernière, comme si je cherchais à fuir quelques instants ces incessantes remontrances.

« - Je ne sais pas si c’est moi ou vous qui ne se rend pas bien compte dans quoi nous mettons les pieds en parlant de cela. Je réponds avec toute la franchise dont je suis capable, mais aborder le sujet n’est pas de gaité de cœur comme je vous l’ai dit. Nous avons tous nos boulets à supporter Lyanna. »

J’avais rencontré Zéphyr il y a quelques mois maintenant. Il m’avait raconté son histoire, comment il s’était retrouvé en famille d’accueil et pourquoi. Cela avait été un choc pour moi d’avoir appris que j’avais un petit fils caché. Lyanna et moi avions tous les deux des secrets que nous gardions enfouis, des points communs que nous gardions bien cachés. Mais pour autant, je ne voulais pas lui renvoyer à la figure cette calomnie. Ce n’était pas le moment et surtout pas le sujet. Je n’avais pas envie de jouer au chat et à la souris, juste de terminer cette conversation désagréable.

Je voyais bien que mon beau-père et de nouveau confrère perdait patience et se sentait insulté par mon interrogatoire… mais à dire vrai, à ce moment-là, je n’avais que faire de ses ressentis. J’étais si méfiante, je me sentais moi-même insultée de n’avoir pas été informée plus tôt d’une information que je jugeais importante et grave, et cela ne m’incitait pas à avoir confiance.

- Je comprends que vous ayez honte, Arthur, vraiment, parce que je ressentirais la même chose à votre place… Mais étant donné que nous allons être de la même famille, que je porte votre petite fille, plus encore que le fait que je sois votre consœur, il me semblait évident que vous auriez dû m’en toucher mot plus tôt. Ce secret que vous gardez représente un danger, pas seulement pour vous, vos sorciers de Red House ou votre épouse, mais également pour Karl et moi et nos enfants. Comprenez qu’au-delà de la régente, c’est la mère qui parle. Imaginons un instant que vous perdiez le contrôle, ou que vos anciens « amis » vous retrouvent et s’en prennent à vous, comment aurions-nous fait pour protéger notre famille sans être au courant de rien ? Mais ça, peut-être que ça ne vous a pas traversé l’esprit ? ajoutai-je en reprenant ses propos et son intonation.

J’espérais, par ce biais, lui faire comprendre mon point de vue en le remettant un peu à sa place, comme il avait tenté de le faire avec moi… Mais Arthur me connaissait et il savait que c’était difficile d’avoir le dernier mot avec moi quand je savais que j’avais raison.
Je voulais connaître l’identité des mages noirs présents en ville, du moins ceux dont il était possible de connaître l’identité, car il était évident que le régent d’Obscurus, étant dans la plus totale illégalité, se cachait. Je pâlis à vue d’oeil en entendant le nom de mon voisin… à qui j’avais offert mon corps lors d’une soirée lamentable où j’étais au trente-sixième dessous après une micro-séparation avec Karl. Ce sorcier vivait littéralement en face de chez moi. Heureusement, ma maison était protégée par le même sortilège que celui appliqué sur White Chapel voilà plusieurs décennies, et que mes parents en personne avec l’aide du régent de l’époque et d’autres sorciers, avaient lancé.

- Très malin, oui… bredouillai-je. Je n’en doute pas. Le fait qu’il ait osé vous menacer alors que Penny était enceinte me révulse… Savez-vous qu’il a une maison dans la même rue que la mienne ? Quasiment en face, pour ainsi dire.

J’avais la nausée et sentis un haut-le-coeur rien qu’à repenser à cette nuit-là… Je n’avais que des bribes de souvenirs, et plus j’y repensais, plus je me disais qu’il n’y avait pas que de l’absinthe dans ce qu’il m’avait fait boire.

Calme-toi Lily...

Ruffus était venu se frotter à mes chevilles pour m'apaiser et éviter que je ne me remette à vomir comme ce fut le cas toute la matinée.
N’étant pas encore au bout de mes surprises, j’appris que Karl était peut-être au courant. Mais l’explication d’Arthur semblait vague. Peut-être que mon fiancé n’en savait pas tant, mais même s’il savait ne serait-ce qu’un détail, il aurait dû m’en parler, et je ressentis un élan de colère vis-à-vis de l’homme que j’aimais. Et voilà que mon beau-père semblait me parler sur un ton de reproche. Debout de l’autre côté de la pièce tandis qu’il s’accoudait à la cheminée, j’accusais le coup de son regard noir. Offusquée, j’écarquillai les yeux?

- Vous semblez me reprocher de vous poser ces questions. Arthur, vous ne pouvez me reprochez vos conneries de jeunesse ! C’est bon, je conçois parfaitement que vous soyiez honteux et plein de regrets, mais vous ne le serez pas moins en gardant vos secrets, surtout envers votre propre famille. Je ne veux pas que ma fille grandisse dans le mensonge et l’insécurité. J’ai déjà perdu Zephyr à cause de la magie noire, il est impensable que la même chose se produise encore! Alors vos reproches et vos regards noirs, avec tout le respect que je vous dois, très cher, gardez-les pour vous !

Je soupirai en l’entendant me parler des boulets que nous portions tous. J’en avais ma part également, mais je n’avais jamais mis en danger la sécurité des autres. Toutes mes « bêtises » ne mettaient en cause que moi.

- Bien, calmons-nous à présent. J’ai entendu ce que je voulais savoir. Merci d’avoir accepté la potion. Je n’ai jamais voulu vous faire de mal, seulement être informée des faits.

Malgré tout, il me faudrait du temps pour faire totalement confiance à mon beau-père de nouveau.

- Vous pouvez m’en vouloir si cela vous chante, mais je ne changerais rien si c’était à refaire.

J’espérais qu’il avait compris mes raisons.

Points communs

Lyanna Johnston

C’était sans filtre que j’avais répondu à la régente de la White Chapel à ses questions sur mon passé et sur l’utilisation de magie noire. L’exercice n’avait pas été simple pour moi mais j’y avais consenti afin que Lyanna sache enfin la vérité. La potion était un détail, amère certes, mais auquel j’avais également accepté de me plier. En somme, la comédie avait assez durée, j’avais joué le jeu totalement sans broncher mais à force d’enfoncer le clou la régente m’avait fait monté la moutarde au nez.

« - Vous me voyez ainsi ? Un homme prêt à perdre le contrôle ? Vous m’estimez si peu que ça pour me voir aussi lâche et me tourner vers la facilité ? Bon sang Lyanna, j’ai vu assez ce que cette maudite magie peut faire pour ne plus jamais tomber dans ce piège. Je vous rappelle que je ne suis pas qu’un régent et un sorcier, je comme vous Lyanna, un père, un mari et un grand-père ! Et pour eux, rien au monde ne me ferai flancher et me ferai revenir sur mes principes. Quant aux « amis », s’ils se présentent un jour à Los Angeles, ils vont être reçu sans sommation. Jamais je ne prendrais de risque pour ma famille, inclus vous Lyanna. »

L’abjecte personne qu’était Auguste avait eu le temps de semer le trouble à Los Angeles dès son arrivée en nous menaçant Penelope et moi. Cet homme était aussi vil que fou, mais je ne sous-estimais pas son intelligence et me méfiais depuis ce jour d’Halloween du moindre mouvement de sa part. L’élément que me rapportait Lyanna me donna des frissons. Rien que de l'imaginer en face de chez Karl et Lyanna me retournait l'estomac.

« - Cet homme habite à côté de chez vous ?! » totalement effaré.

Je jeta un regard sur la régente, plus adouci que tout à l’heure, puis sur son ventre arrondi portant cette petite fille. Je ne pouvais pas être foncièrement en colère contre elle, même si avait ses torts et son caractère fort, elle restait une personne importante et intégrante de la famille. Il fallait tempérer cette discussion qui nous avait fait monter dans les tours chacun de nous.

« - Je ne vous reproche pas de me demander quoique ce soit, comme je vous l’ai dit je ne tais pas ce secret réellement, je ne veux juste pas l’exposer à tout bout de champs. Lyanna, je ne peux que vous donner raison, je n’aurai pas dû taire mon passé aussi longtemps. Cela aurait pu vous causer du tort en tant que régente d’une part, et aujourd’hui en tant que mère. De ce fait je tien à m’excusez si vous vous faites du souci. Je veux vous rassurez qu’un dérapage n’arrivera jamais, j’ai trop de raisons qui m’y empêcherait. Je ne veux pas perdre ma famille tout simplement. »

Lyanna avait eu les réponses qu’elle désirait vraisemblablement, j’étais soulagé en quelque sorte que cela soit terminé même si je regrettais que cela se soit passé de cette manière. J’étais calme à présent.

« - Comment pourrais-je vous en vouloir ? Je vous connais suffisamment pour savoir que vous êtes plus dure envers vous-même qu’avec les autres, je me trompe ? J’espère seulement que mes réponses vous ont fait avancer et que cela vous rassure en quelque sorte de connaître la vérité sur moi, même si cela génère évidemment d’autres inquiétudes. Sachez que ce poids ce n’est pas à vous de le porter, défendre ma famille à cause de mes « conneries » pour vous reprendre, c’est ma responsabilité. Donc à la moindre inquiétude, la moindre question ou suspicion… » m’approchant d’elle et lui faisant face, le ton posé. « … n’hésitez pas à m’en parler. Je ne veux pas vous revoir vous ronger les sangs à nouveau et m’en vouloir de n’avoir pas agi à temps. »