Regard vers l'avenir

Caleb T.Putnam et Arthur Fitzgerald

Cela faisait maintenant une semaine que la cérémonie du marquage de Caleb avait eu lieu. Tout avait été rangé depuis, le costume de cérémonie déjà mis au placard. Il n'y avait pas spécialement de signe ou de cicatrice visible, mais une chose était sûre, Caleb et moi avions désormais bien un lien particulier désormais.

Depuis la cérémonie, j'avais eu beaucoup de difficultés à retrouver une bonne forme physique. J'avais eu le coeur qui s'emballait plusieurs fois par jours, la vision qui se troublait en même temps, rien de très réjouissant. J'avais hésité à contacté le docteur Cortez, mais si je l'avais fais qu'allais-je pouvoir lui dire sur la cause de mes symptômes. Si ces derniers ne s'estompaient pas, j'allais en être obligé. Mon coven comptait sur moi, et ma famille également. Il était grand temps que je me charge d'une affaire capitale, à savoir trouver LA bonne personne pour me seconder.

Ce n'était pas chose aisé de trouver quelqu'un. J'étais exigent, trop depuis Matthew. Je voulais un lien de confiance ultime et quelqu'un à la hauteur tant en compétences magiques qu'en professionnalisme pour être le bras droit parfait. Aujourd'hui je n'avais plus le choix, je ne pouvais repousser ce moment. J'avais beaucoup de craintes depuis Matthew, ne voulant plus laisser les clés de Red House à la mauvaise personne une seconde fois. Mais les années passaient, il me fallait me décider.
C'est pourtant naturellement, qu'après la cérémonie du marquage de Caleb, que me vint l'idée de proposer le poste de bras droit à ce sorcier. Il était un sorcier talentueux, il me semblait tout à fait sérieux et consciencieux. Cependant c'était un poste à lourdes responsabilités. Et fallait-il encore que le jeune homme accepte cette proposition.

J'avais donc contacté le jeune sorcier à me rejoindre le lundi suivant à mon bureau, espérant qu'il aie mieux récupéré que moi de la cérémonie. J'avais encore les traits fatigués et le teint légèrement blafard. Je l'attendais avec une tasse de thé mélangé à un petit tonique.

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Caleb T.Putnam et Arthur Fitzgerald

C’était une sensation très étrange.

Quand je m’étais réveillé, le lendemain de la cérémonie avec Arthur, j’avais cherché ma marque du bout des doigts sur mon dos. La cicatrice de brûlure n’avait plus la moindre chaleur, elle ne semblait plus palpiter de magie et je n’avais plus de sensation étrange émanant d’elle. Ce n’était plus qu’une marque inerte, comme toutes celles qui marquaient mon dos ou celle qui se cachait sous le tatouage de corbeau que je portais au poignet gauche.

Le rituel m’avait fatigué et je décidai de prendre quelques jours de congé, fermant le Red Raven pour un temps. J’avais besoin de me reposer.

Les premiers jours, j’eus une étrange sensation de… légèreté ? La chape de plomb sous laquelle j’avais eu par moment l’impression de me trouver depuis une bonne vingtaine d’années avait totalement disparu et c’était un sentiment très étrange. Je mis un moment à comprendre que cette pesanteur que j’avais ressentie pendant tout le temps où j’avais porté la marque des Putnam venait de mon lien avec le clan et leurs sinistres desseins. À présent, je leur avais bel et bien échappé, ils ne pourraient plus me faire souffrir à distance, ils n’avaient plus de pouvoir sur moi. Du moins sur le plan magique, mais pour le reste, c’était l’affaire de mon psy.

Les quelques jours de repos me firent le plus grand bien et même Samhain semblait heureux de me voir si serein. Quelque fois, je passai la main sur mon dos et je me surprenais à oublier que ma marque n’était plus active. Les cauchemars paraissant trop réels avaient cessé et je n’avais plus mal. C’était vraiment bizarre et j’avais du mal à m’y habituer. Mon familier me disait de laisser le temps au temps, qu’il fallait juste que je m’habitue, mais que c’était une très bonne chose. Et puis, je n’étais plus seul,

Le lundi suivant la cérémonie, ayant reçu une convocation de mon régent, je me hâtai de me rendre au rendez-vous, habillé élégamment. Je paraissais bien plus serein que lorsque j’étais allé trouver Arthur pour lui parler de mon cauchemar, mais la fatigue des derniers jours se voyait un peu. La mine de mon régent m’inquiéta un peu, car il ne semblait pas avoir beaucoup récupéré depuis le rituel et je sentis une pointe de culpabilité en le voyant ainsi.

« - Bonjour, mon régent. »

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Caleb T.Putnam et Arthur Fitzgerald

Lorsque je vis le jeune sorcier arriver je me leva immédiatement pour le saluer.

« - Bonjour Caleb, je t’en pris entre. Prend une chaise à mon bureau. »

Je retourna à ma place, derrière mon bureau en verre, sur mon fauteuil à l’assise en velour rouge pourpre et de métal noir. Je voyais que Caleb avait lui aussi l’air fatigué. Avait-il souffert après la cérémonie ?

« - Comment te sens tu Caleb ? T’es tu remis un peu de la cérémonie du marquage ? »

Je lui laissais répondre à son rythme. J’avais besoin de savoir si tout s’était déroulé correctement après le marquage.

« - Est ce qu’ensuite tu as ressenti quelque chose d’inhabituel ? Des douleurs ? Des perturbations ? Et qu’en est il des cauchemars ? » je notais mes questions pour pouvoir retranscrire ses réponses. Cela me servirait pour un éventuel prochain rituel de marquage. « - Je sais cela fait beaucoup de questions. » souriais-je en continuant d’écrire sur mon carnet.

Je me souciais de l’état de Caleb, d’où mon interrogatoire. Quant à moi, même si ma fatigue se voyait, je préférai ne pas en parler tout de suite. Je m’occupais d’abord du jeune homme pour ensuite en venir à la proposition que je voulais lui faire.

« - Bien, et qu’en est il de la marque que je t’ai apposé ? Tu peux me parler avec sincérité, est ce tu as des doutes ou des interrogations ? »

Je posai mon stylo. Le ressenti du jeune homme était personnel. Je me préparais à répondre à ses doutes sur notre lien qui était unique.

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Caleb T.Putnam et Arthur Fitzgerald

À l’invitation d’Arthur, j’allai m’asseoir devant le bureau, Samhain allant se poser sur le dossier d’un fauteuil, gardant toujours un œil sur moi. Je souriais doucement, même si je n’avais aucune idée de la raison pour laquelle il m’avait fait venir. Était-ce simplement une visite de « contrôle » pour s’assurer que j’avais bien supporté le rituel ou quelque chose de plus grave ?

Arthur paraissait très fatigué, mais il continuait de s’inquiéter pour moi. Je lui souris et écoutai ses questions, les mains jointes sur mes genoux.

« - Je vais… étonnamment bien. J’ai l’impression qu’un poids m’a été enlevé des épaules. J’ai l’impression d’être enfin libéré. C’est un peu étrange de ne plus sentir la marque de mon père chauffer ou me faire mal. Je n’ai pas eu de cauchemars depuis le rituel, pas d’impression de pesanteur ou de douleur. Cela fait des années que je ne m’étais pas senti aussi bien. Aussi léger. »

Je me passai une main dans les cheveux avec un sourire un peu enfantin. J’avais le sentiment que ma vie était enfin sur les bons rails et que j’allais pouvoir aller de l’avant sans craindre l’ombre de mon clan. J’avais une nouvelle famille, un nouveau coven et je savais qu’on ne me ferait pas de mal, ici. Ou du moins, pas volontairement.

La question d’Arthur me fit réfléchir un moment.

« - Je… je pense bien que vous n’utiliserez pas la marque comme mon père utilisait la sienne. Je vous estime trop pour ne serait-ce qu’imaginer vous comparer, vous et lui. Mais je voudrais bien savoir ce que vous seriez capable de faire à travers cette marque, si je dois être attentif à quelque chose en particulier la concernant. Et aussi, j’aimerais savoir comment vous remercier de ce que vous avez fait. Si je peux vous aider de quelque manière que ce soit, vous n’avez qu’à me le dire. »

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La sérénité du jeune sorcier était visible. Il consentait volontiers à répondre à mes questions sur ses ressentis qui m’apportaient des informations importantes et qui par dessus tout me rassuraient.

« - Bien, ce sont de très bonnes nouvelles de ce que je vois. Plus de cauchemars, cela doit te changer tes nuits, tu retrouves de l’énergie j’imagine ? » m’adossant un peu plus sur mon fauteuil et joignant les mains. « - Cette marque est définitivement effacée à jamais. Tu n’auras plus aucune crainte à avoir sur cette servitude que ce clan t’avait imposé. Et si auquel cas, il préparerait une quelconque vengeance, je serai là pour toi, sans parler de tes proches et du coven qui peuvent te soutenir également… »

Je pouvais imaginer combien le clan Putnam pouvait ressentir mon acte de marquer Caleb comme une traîtrise. Mes liens avec ce clan se résumaient par une grande distance et le silence. J’allais devoir faire attention aux potentielles représailles et surtout soutenir Caleb. Pour le moment, la première chose à faire était de rassurer Caleb et de parler en toute franchise de mon projet pour lui.

« - Eh bien, évidement le marquage n’est pas anodin pour chacun de nous deux. Être mon marqué signifie que j’ai une responsabilité envers nous deux. Je t’explique... Tout d’abord, dans les faits j’ai le pouvoir de te localiser très facilement, d’influer ou prendre le contrôle de certaines choses sur toi, comme ce que faisait ton père en t’insufflant de la douleur via ta marque ou en te faisant passer des messages par les cauchemars. Attention, je ne dis pas que du jour au lendemain je peux contrôler tout tes faits et gestes, on ne parle pas de cela, ça me serait tout bonnement impossible. D’ailleurs à l’inverse, je peux t’apporter quelque chose de bon, plutôt que de la douleur comme ce que tu as subi. Cela peut se traduire par une aide à la guérison par exemple ou une aide psychique, mais il y a sans doutes d’autres possibilités que je dois apprendre par des recherches. Par ailleurs, notre magie peut se bonifier si nous nous unissons lors d’un rituel ou pour un sortilège, nous gagnons en puissance ensemble. Et si une certaine harmonie magique s’installe sur le long terme, nous pouvons gagner en force et être moins consommateur en énergie pour la magie. »

Je posa les mains jointes sur mon bureau. Caleb devait déjà se poser milles questions sur ces premières explications.

« - Il faut que tu saches qu’être marquer signifie que nous nous sommes unis, nos forces magiques se sont unies. Si tu es plus faible à un moment je vais le ressentir, si à l’inverse tu gagnes en puissance c’est la même chose. Quant à toi, tu vas percevoir la même chose de moi au fil du temps. C’est pourquoi ce lien est si intime et nous appartient à nous deux. Par ailleurs… » prenant une légère pause. « - si l’un de nous deux meure, alors que nous sommes encore marqués, il est possible de voir notre magie s’affaiblir, et de sentir une partie de soi même s’envoler. Pour l’instant ce ne sont que les conclusions que j’ai pu lire dans quelques écrits d’anciens régents qui ont vécus la même expérience que nous, mais restons prudents sur la subjectivités des ressentis de chacun. Toutefois, il se pourrait tout de même qu’il y ait des conséquences sur nous si l’un de nous décède alors que ce lien est toujours actif… je ferme cette parenthèse, mais elle m’était essentielle à révéler. Je mets un point d’honneur à ce qu’on ne finisse comme ceux qui ont écrit cela… »

Les descriptions des états mentaux des régents ou des sorciers marqués que j’avais lues étaient très sombres. Depression, tentative de suicide, folie. Il y avait d’autres issues plus positives heureusement mais n’étaient pas majoritaires. Ce n’était pas le moment de s’imaginer quoique ce soit et de créer des frayeurs inutiles à Caleb.

« - Ces écrits sont ici si tu veux les lire un jour. Par ailleurs… » je glissais de dessous mon carnet une enveloppe cachetée du sceau de Red House. « - J’ai autre chose à te dire Caleb. J’aimerai de proposer le poste de bras droit à Red House. » dis-je avec un petit sourire.

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J’acquiesçai quand Arthur me demanda si j’avais plus d’énergie maintenant que mes nuits étaient plus calmes. La nuit suivant le rituel, j’avais dormi d’un sommeil lourd et réparateur tel que je n’en avais plus connu depuis mes dix-huit ans. Au matin, je ne m’étais pas souvenu de mes rêves, mais j’avais eu conscience de ne pas avoir été tourmenté par des visions envoyées par mon père.

« - Je dors mieux, effectivement. Et la fatigue mentale est aussi moindre, comme je n’ai plus cette épée de Damoclès au-dessus de la tête. C’était surtout la tension constante qui était épuisante. Je respirais un peu mieux depuis que je vis à Los Angeles, parce que mon appartement et mon bar ont été protégés par des sorts et des barrières, lancés avec l’aide de ma cousine. Ça empêchait mes parents de me localiser avec précision, mais maintenant, le danger est écarté et j’ai effectivement bien plus d’énergie. »

Les explications me rassurèrent quelque peu et je les écoutai avec attention. Le fait qu’Arthur prenne le temps de m’expliquer tout ce qu’impliquait ce nouveau lien entre nous était fort plaisant car jamais mon père n’avait jugé opportun de le faire. Peut-être aurait-il fini par le faire, quand il m’aurait jugé assez âgé ou assez mature pour que je lui succède. À quel âge m’aurait-il enseigné la cérémonie de marquage, ses implications et ses risques ? Si j’étais resté dans ma famille, que serais-je devenu, au juste ?

« - C’est bien agréable de savoir ce qu’il est possible de faire et ce qu’il vous est possible de me faire. Je dois avouer que toutes ces années à être torturé par mon père à intervalle régulier me fait un peu appréhender. J’ai toute confiance en vous, je vous le jure, mais je ne peux pas m’empêcher d’être encore un peu craintif. »

Cela passerait sûrement avec le temps, mais il m’avait demandé de lui dire ce que je ressentais. Nous étions liés et si quelqu’un méritait que je sois parfaitement honnête avec lui, c’était bien mon régent.

Je demeurai interdit à l’annonce de la proposition de mon interlocuteur. Je ne m’étais pas attendu à une telle offre et je ne savais pas si j’étais digne d’un tel honneur.

« - Me proposer à moi ? Vous êtes sûr ? »

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Caleb T.Putnam et Arthur Fitzgerald

J’étais content d’entendre que Caleb était rassuré et reposé. Les cauchemars avaient disparu, je savais à quel point cela représentait un fardeau lourd et pesant de savoir que des cauchemars allaient venir hanter l’esprit à chaque nuit. Mon épouse en ayant souffert longtemps, je comprenais sa fatigue et son anxiété maintenant en passe de disparaître.

« - C’est sûr que tu vas te sentir de mieux en mieux. J’en suis heureux. »

C’était satisfaisant d’avoir pu aider Caleb. Était ce suffisant à ce qu’il se sente en sécurité, c’était encore autre chose. Je savais que j’avais pris un risque contre son clan.

« - Ton père avait des intentions qui lui étaient propres… et si tu avais appris à comprendre le marquage, cela aurait pu être contre productif pour ses plans. Étant donné que tu es un sorcier puissant, c’était pour lui un atout sans conteste. »

J’entendais sa crainte qui était tout à fait légitime. Après des années des abus, la réaction du sorcier était naturelle.

« - Ne t’en fais pas, tu peux prendre ton temps. La confiance s’acquiert lentement. L’important pour moi est que tu saches que je ne comptes pas tirer parti de notre marquage. C’est une forme de servitude dont je ne serai jamais adepte. »

Je tendais l’enveloppe à Caleb contenant un contrat. C’était le contrat écrit de ma main à la plume et signée de mon sang pour le poste de mon bras droit.

« - Sûr ? » riais-je. « - Bien sûr que je le suis. J’ai besoin d’un sorcier consciencieux, talentueux et en qui j’ai confiance. Tu réunis tous les critères et c’est pour cela que j’ai pensé à toi pour ce poste si important pour le coven et pour moi. J’ai besoin de pouvoir déléguer et d’être aider dans certaines tâches. Je pense que tu es tout à fait compétent. Mais évidement si c’est quelque chose qui te demande un peu de temps de réflexions, je peux attendre que tu prennes ta décision. Qu’en dis tu ? »

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J’avais du mal à réaliser ce que mon régent me proposait. Je regardais l’enveloppe que j’avais prise dans mes mains sans l’ouvrir. Mon cœur battait la chamade et je ne savais plus quoi regarder ou qui. Il n’y avait aucune malice dans l’expression d’Arthur et j’étais tout à fait enclin à le croire sincère, mais une certaine inquiétude me prit.

« - Je… je ne sais pas si je serai à la hauteur… et si… et si je n’étais pas à la hauteur ? Je ne veux pas vous décevoir… »

J’avais très envie d’accepter, je voulais me rendre utile, je voulais aider mon régent et mon coven. Red House m’avait accueilli à bras ouverts quand j’étais revenu de Florence, Arthur m’avait même promis de me défendre si j’avais des soucis avec la SLAPD à cause de ce que j’avais fait en Italie. Je voulais les remercier comme il se devait, mais j’avais peur de les décevoir. Mon père m’avait toujours dit que j’étais un incapable, un gâchis de magie et de potentiel, et que si je n’étais pas son unique fils, je serais mort depuis longtemps. Je n’avais jamais cherché de hautes positions dans les pays que j’avais traversés, ne restant jamais assez longtemps pour rejoindre tel ou tel coven.

Mais maintenant que ma marque avait été enlevée et que j’étais dans un coven accueillant et qui me plaisait, l’idée d’avoir des responsabilités et de prouver ce que je valais me plaisait. Du coin de l’œil, je voyais Samhain m’encourager d’un signe de tête. Il sentait ma peur et mon hésitation, mais il me faisait sentir sa présence à travers notre lien pour que je sache que je n’étais pas seul. Telle avait été ma demande quand je l’avais appelé, il y avait des années : je ne l’avais pas invoqué pour le pouvoir qu’un familier pouvait apporter ou pour avoir un serviteur. Je l’avais appelé pour ne plus être seul, pour avoir un ami, un soutien, quelqu’un à qui parler, à qui me confier. Et le corbeau avait toujours fidèlement rempli son rôle.

Prenant une grande inspiration, je me râclai la gorge et repris :

« - Si… si vous pensez que je peux vous aider, je le ferai avec plaisir. J’ai juste quelques questions avant d’accepter. »

J’avais réussi à calmer ma voix et les battements de mon cœur. Tout allait bien, je n’étais pas en danger, personne n’allait me faire du mal.

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Je m’attendais à la réaction de Caleb à propos de mon offre. Ce n’était pas du tout saugrenu ou malvenu. J’avais été dans une situation similaire il y a longtemps. Certes, j’avais travaillé dur pour faire mes preuves face au régent de l’époque. J’étais passé de la magie noire à la magie rouge, il m’avait donc fallu apprendre tous les mécanismes de la magie rouge que je ne connaissais pas. Je m’étais efforcé de me montrer exemplaire en tant que sorcier et irréprochable en tant qu’homme. C’était une période de ma vie où beaucoup changements s’étaient opérés : changement de coven, mariage avec Pénélope, naissance de Karl. Un grand bouleversement dans ma vie qui m’avait définitivement métamorphosé.

Je connaissais donc ce sentiment que Caleb rencontrait quand je lui avait donné l’enveloppe. Et même si je n’avais pas vécu le même sentiment que lui, puisque j’avais travailler avec acharnement pour atteindre le poste de bras droit, je comprenais tout à fait sa réaction.

« - Pas à la hauteur dis tu ? Caleb, si je te propose à toi ce poste et c’est en toute connaissance de cause. C’est une évidence… tu es à la hauteur pour être bras droit! Tu ne devrais pas te sous estimer ainsi. »

Je percevais son grand manque de confiance en lui. Après tout ce qu’il avait vécu émotionnellement toute sa vie, ce n’était pas étonnant.

« - Je ne me suis jamais trompé sur les capacités des bras droits que j’ai engagé. Pour exemple, le premier bras droit que j’ai eu : Matthew Crawford, outre les histoires personnelles que j’ai eu avec cet homme, il était un sorcier excellent et faisait admirablement bien son travail jusqu’à sa trahison. Aujourd’hui, je suis certain que tu possèdes les qualités que je recherche pour être mon bras droit. »

J’écoutais ensuite sa réponse. J’étais tout ouïe.

« - Je t’écoute pour tes questions. »

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Je triturais l’enveloppe entre mes mains et j’écoutais attentivement les réponses de mon régent. S’il croyait en moi, je ferais tout mon possible pour ne pas le décevoir. Je ne le décevrais pas. J’avais juste du mal à croire ce qui m’arrivait depuis quelques semaines. Il y avait un mois de cela, j’étais toujours marqué, j’avais peur de mes rêves, de me faire rattraper par mes parents et je ne faisais que vivre jour après jour, craignant de devoir faire mes bagages du jour au lendemain. À présent, je respirais, je me sentais chez moi et on me proposait d’avoir des responsabilités. J’avais du mal à croire à ma chance.

« - Je… je n’ai pas l’habitude qu’on me confie des responsabilités… on a passé mon enfance à me dire que si je n’étais pas parfait, je ne valais rien, que j’avais bien de la chance d’être le fils du régent Putnam… dans le rêve que j’ai fait ou la vision que j’ai eue avant que je vienne vous trouver pour vous parler de mes cauchemars… mon père me disait que j’étais faible, pathétique… que si je n’avais pas été son fils, il… il n’aurait pas hésité à, je cite, « débarrasser le monde de ce gâchis d’ADN »… »

Samhain poussa un croassement sonore et indigné. Il n’aimait pas que j’évoque ce que mon père m’avait fait subir car il savait pertinemment que j’avais encore parfois du mal à ne pas croire que je l’avais mérité d’une manière ou d’une autre et que ça me faisait du mal. Une larme tomba sur l’enveloppe et j’essuyai mes yeux, surpris moi-même de me rendre compte que je pleurais.

« - Oh grands Dieux… pardonnez-moi ! » fis-je en souriant pour essayer de rassurer mon interlocuteur. « Ce n’est pas que le souvenir de ce rêve. Ce sont aussi des larmes de reconnaissance. Pour tout ce que vous avez fait et ce que vous faites pour moi. »

Je pris une grande inspiration et tâchai de me concentrer sur mes questions.

« - Alors, mes question sont les suivantes : quelles seraient mes tâches en tant que bras droit ? Dois-je fermer mon bar ? Quand commencerais-je ? Je vois mon psy deux à trois fois par semaine, est-ce que cela pose problème ?...

Je m’interrompis pour ne pas le submerger de questions.

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Le jeune sorcier était visiblement touché de cette grande proposition que je venais de lui faire. Être bras droit n’était pas donné à tout le monde. À l’époque, lorsque j’avais proposé le même poste à Matthew, je savais ô combien il était compétent et à même de pouvoir remplir toutes les tâches que j’allais lui donner. Ce n’était pas un simple employé, c’était un vrai coéquipier. Sans lui, il m’était impossible de tout accomplir à la régence du coven. Malheureusement, en lui confiant ce poste je lui avais simplement donné une opportunité de plus pour parvenir à me nuire. Depuis, j’étais devenu ultra rigide dans mes choix pour ce poste, c’est pourquoi ce dernier n’avait pas été pourvu depuis très longtemps.

Avec Caleb, je n’avais pas d’historique comme avec Matthew. Je me basais sur ses capacités en magie et ses qualités en tant qu’homme, et je savais que je faisais le bon choix. Il était droit, il avait de la sensibilité et de l’écoute, et il était un très bon sorcier rouge. Notre marquage était un plus si je décidais de le considérer ainsi, mais je n’allais pas m’en servir, il était hors de question d’asservir mon bras droit.

« - Tu ne dois plus penser à ce que t’as dit ton père, ce n’était que des balivernes destinées à te manipuler. Il te descendait uniquement pour te sentir faible devant lui. À mon avis, il savait très bien que tu étais puissant et te rabaisser était son unique moyen de te contraindre à lui tant que tu y croyais. Il jouait sur ta sensibilité… c’était de la simple fourberie. »

Les mots étaient certainement durs à entendre pour Caleb. Il était temps que quelqu’un pose les mots la dessus à haute voix pour qu’il percute, même s’il le savait déjà. Son père avait su se jouer de lui.

« - Il est temps que tu prennes conscience de ton potentiel, car tu es un sorcier bien plus puissant que tu ne le crois, malgré ce que t’as martelé ton père. C’est aussi pour cela que j’ai besoin de toi à mes côtés. »

Le jeune homme avait évidement besoin d’en savoir plus sur ses responsabilités. C’était tout à fait normal et c’est à cela que servait l’entretien.

« - Concernant ton bar, personnellement cela ne me gêne pas que tu le gardes. Tant que tu arrives à concilier ton poste de bras droit avec ton activité, ce ne sera pas dérangeant. Concernant tes soins, tu pourras évidement t’y rendre. Je prend moi même un bras droit pour des raisons de santé, je ne vais donc pas te blâmer pour cette raison.
Maintenant les responsabilités. Il y en a de toutes sortes. L’idée est de se départager les tâches, et les seules que tu ne pourras pas exécuter sont celles où je dois être présent personnellement, notamment durant les comités avec des sorciers supérieurs, ou bien des réunions avec d’autres surnaturels… Tout le reste sera faisable par toi seul, après une période d’apprentissage qui te permettra d’observer comment faire. Dans quelques temps tu seras peut être amener à faire ton premier baptême, qui sait… »

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